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"[...] La nuit avait des yeux, le vent de longues oreilles [...]"
C'était où ? C'était quand ? Bien sûr moi je sais puisque c'est moi qui ait choisi ces extraits d'un très beau roman antillais mais il me faut momentanément l'oublier pour inventer une histoire de mon côté. J'ai pensé faire appel aux fins limiers de mon imagination pour qu'ils s'élancent sur la piste d'un ailleurs complètement différent du cadre du roman, puisque c'est le jeu dans un texte-sandwich ... Les pauvres ! Placés dans le contexte, mes chiens imaginaires sont devenus comme fous, aboyant à qui mieux mieux, tournoyant sur eux-mêmes sous l'emprise de ces milliers d'yeux de la nuit qui pouvaient être autant d'ennemis, ou s'élançant à la poursuite de lapins, dérangeant ceux-ci dans leurs sarabandes nocturnes sur les landes et les dunes habituellement désertes, ou les traquant dans leurs terriers ... "Longues oreilles" ! Ils n'avaient retenu que ces mots et, pour eux, il ne pouvait s'agir que de lapins ; tout à leur joie de leur faire la chasse -ce qu'habituellement je leur interdis-, ils ne m'écoutaient plus. Et je ne voyais comment leur faire comprendre que c'était le vent qui avait de longues oreilles ; le vent, oui c'était leur ami, porteurs d'odeurs mais, tout intelligents qu'ils étaient, mes fins limiers, les métaphores et la poésie n'entraient pas dans leur monde et vouloir leur imposer cet étrange vent c'était courir le risque de me discréditer auprès d'eux, perdre mon rang et mon prestige de chef de meute !
Quelle panique ! Ce fut alors que quelqu'un vint à mon secours, quelqu'un que mes fins limiers connaissaient parfaitement et à qui ils obéissaient à la baguette, heu pardon : au doigt et à l'oeil ! Comment cela, se demandera-t-on si on m'a suivie jusqu'ici dans mes élucubrations ? Les chiens ne se soumettent qu'à un seul chef de meute, que ce soit un autre chien, dominant, ou un humain ? Ah ha, voilà, il y a une astuce ! Mes chiens avaient bien un autre chef de meute mais pour eux, les deux ne faisaient qu'un : ma fille, mon double, mon ange gardien était arrivé à point ! Si on se souvient, si on a lu mes histoires du début, on sait déjà qui est intervenu : Fée Dodue !
Plop ! Dans la nuit bruyante et déchaînée que j'étais en train de vivre, la main de ma fée se posa sur mon épaule pour me rassurer (les effusions seraient pour après) et sa voix mélodieuse mais autoritaire retentit : "'Suffit, les chiens ! C'est bien, vous avez fait ce qu'il fallait, je prends le relais ! On rentre et ... coucouche paniers !" Ils ne se firent pas prier et filèrent tous devant nous, pour aller s'écrouler sur leurs coussins, épuisés mais heureux de leur balade inattendue.
Penaude, je n'osais regarder Dodue tandis que je nous mettais de l'eau à chauffer pour nous faire un breuvage suave et réconfortant et que j'apportais les tasses fumantes. Une fois assise en face de Dodue, je portai enfin mon regard sur elle et ce qui devait arriver arriva : gros fou rire ! "Pas de souci, tu vas l'avoir, ton défi ! Pas de scrupule non plus, tu ne triches pas puisque je suis toi et que tu es moi, mais ne vas pas écrire cela ... Il n'y a pas qu'un vent qui a de longues oreilles, ceux de la rumeur ne te veulent pas forcément de bien et en plus ils ont mauvaise langue ; c'est d'ailleurs à ce point précis du récit que nous allons placer la deuxième partie de ta première citation : "[...] et nul jamais ne se rassasiait d'autrui." J'entends déjà ces vents de la rumeur qui prennent de l'ampleur et qui murmurent que Lenaïg est dérangée, qu'elle se croit plusieurs !"
Je répondis : "Ah, si ! Ce sera écrit, tout sera mentionné, que ton rôle ne soit pas effacé, j'y tiens ! Foin des esprits cartésiens (enfin, trop cartésiens) ! Je n'ai pas honte des personnages que je crée ! D'ailleurs, pour brouiller les pistes, en face de toi, ce n'est pas Lenaïg que tu as, c'est Lena de Ils sont là !"
Le délicieux moment que Lena passa, avant que Fée Dodue ne se téléporte à nouveau dans son deuxième univers où vivaient son mari et son petit garçon !
Le fait qu'elle soit une fée avait grandement facilité la mise au point du processus de téléportation de Dodue par les scientifiques extraterrestres. La téléportation, les humains y travaillaient, savaient qu'un jour ce serait possible mais ce jour était encore lointain ; les ---------- (nom censuré pour des raisons de sécurité) avaient, eux, leur technique parfaitement au point mais jamais ils n'avaient appliqué ce mode de transport à un humain, le Conseil des Sages continuait à s'y opposer formellement (pourtant, Danilo affirmait que tout était prêt !).
"Rallume ton ordinateur " dit Dodue à Lena, "nous allons entrer en communication avec 2R, ton petit-fils ! "Quoi, tu veux le réveiller en pleine nuit ?" s'indigna Lena ! Puis elle se ravisa : "Que je suis bête, ce n'est peut-être pas la nuit, là-bas ! Et je ne te demanderai pas de me répondre, Dodue, je sais bien que c'est un sujet tabou : vos ennemis, qui pourraient capter nos propos, sauteraient sur l'occasion pour tenter de vous situer !" "Ah, c'est bien, tu as gardé les bons réflexes, depuis le temps que je ne suis pas venue, mais ne t'inquiète pas, nos filtres et nos codes sont plus puissants que jamais ! " sourit Dodue. "Et n'oublie pas, ton petit-fils est mi-robot mi-fée, il n'a pas fini de nous étonner ; si nous le réveillons, il sera tout de suite prêt, hé hé !"
Pour préserver l'intimité de la rencontre, moi Lenaïg qui tape sur le clavier, je relaterai simplement les propos de petit 2R et laisserai la conclusion à Dodue.
"Grand-mère, bien sûr que la nuit avait des yeux pour les Terriens il y a très longtemps, avant que tu ne sois née, quand aucune pollution ne chargeait l'atmosphère de brouillards artificiels, surtout au-dessus de vos villes : les premiers hommes pouvaient contempler par temps sans nuages les milliards d'étoiles au ciel et, même sans lune, ils voyaient assez pour se déplacer ! Mais tu m'expliques que cette phrase a d'autres sens, j'ai compris ! Les yeux de la nuit sont parfois ceux des animaux nyctalopes (chic ! un nouveau mot, puisé dans ma base de données !) qui brillent dans le noir et qui parfois font peur ! Et aussi, c'est une jolie façon de dire que la nuit, des espions s'infiltrent là où c'est interdit, des curieux regardent en cachette par les fenêtres éclairées de leurs voisins (hou, les vilains !) pour ensuite colporter des secrets de famille, ou alors ils guettent par leurs propres fenêtres qui va chez qui ou qui sort de chez qui et se mêlent de ce qui ne les regarde pas ! Et à ton époque à toi, la Terre est cernée d'une multitude de satellites qui filment partout en passant, y compris la nuit !
Ah oui, le vent ! C'est le plus important ! Grâce à maman, dont j'ai hérité les dons de fée, je suis content de ce que je vais t'apprendre et tu vas constater que tes chiens n'ont pas été si fous qu'ils en ont eu l'air, ils ont même eu le nez creux !
Tiens-toi bien, moi j'en ai un pour copain, un vent gentil, et maman m'a aidé à le nommer, il porte un nom terrien : Zéphyrin ! Il est assez capricieux, il ne fait pas forcément ce que je veux, il ne vient que quand il est bien luné, il lui arrive de bouder s'il est vexé, mais si j'ai besoin de lui et qu'il le sent, il arrive dare dare. Un jour où je rentrais de l'école, je me suis trouvé entouré d'une bande de robotins et d'ados ---------- durs à cuire qui m'ont barré la route et ont commencé à me traiter, à me bousculer ! J'ai eu la frousse ! Mais Zéphyrin l'a flairé, il a fondu sur eux en bourrasque, et pendant qu'ils luttaient contre lui, je me suis carapaté ! J'ai couru au labo où travaillait maman et je me suis jeté en pleurant dans ses bras. Maman, cette fois-là, a interrompu ce qu'elle faisait et on est rentré tous les deux à la maison et on a discuté : je ne dois pas être honteux d'être un hybride, et cultiver mes qualités et mes pouvoirs ! Comment les délinquants ont-ils su que j'étais aussi fée ? Par une indiscrétion a dit maman, soulagée que je n'aie pas utilisé ma baguette magique intégrée pour les transformer ou les détruire ! C'est vrai que je n'y ai même pas songé, mais les cours particuliers que me donne le Sage Bienaymé m'enseignent à ne pas faire d'excentricités, à doser mes forces, tout ça, pour ne pas attirer l'attention et savoir m'en servir à bonnet sciant, heu à bon aissiant, non ça y est je l'ai : à bon escient plus tard ... Ben, après ça, tout le monde autour de moi s'est dit que les cours s'appliquent dès maintenant ! Maman s'est fait drôlement gronder par Papa de retour de mission quand il a su qu'elle me laissait rentrer seul de l'école, plus de peur que de mal a conclu Papa mais désormais c'est soit Maman soit Oncle ----------, le grand frère de Papa qui vient m'attendre à la sortie !
Et Zéphyrin ? Papa l'a appelé pour une longue conversation ; je ne sais pas ce qu'ils se sont dit mais après il avait l'air très sérieux, Zéphyrin, très fier aussi et quand je jouais dans le jardin, il m'entourait doucement, poussait ma balançoire et il avait des petites larmes à l'oeil, qu'il a vite chassées en me faisant croire que c'étaient des gouttes de pluie ... Oui, mon Zéphyrin a des yeux, invisibles mais moi je les vois ! Et surtout, il a bien de longues oreilles quand, rien que pour moi, il prend la forme d'un gros lapin et qu'on joue ensemble. Il le fait depuis que je lui ai montré mon lapin en peluche rapporté par Papa et que je lui ai parlé des lapins terriens, si doux et si mignons qui n'existent pas ici."
La communication s'est poursuivie entre Lena ravie et son petit-fils, puis Dodue a
rajouté :
Dans mon monde d'adoption parallèle au tien, Lena, la communication a atteint des sommets que les Terriens ne peuvent imaginer, tout ce qui est vivant s'exprime et sait se faire comprendre, plantes, arbres, ----------, robots, animaux (cela, tu le sais déjà), même les vents ! Mais les vents ou autres entités du même acabit, il faut être très forts pour se trouver sur leurs longueurs d'onde, ou il faut être fée ! Ceci n'empêche pas les conflits, les jalousies, etc mais, dans l'ensemble c'est l'harmonie qui règne, nul arme maléfique destructrice n'a vu le jour et pourvu que ce monde soit très longtemps préservé ! Le lien qui s'est noué entre mon fils et Zéphyrin est indestructible, les deux s'enrichiront de leur amitié, s'apprendront leurs connaissances respectives, m'a garanti Bienaymé (et je veux le croire). Et il m'a dit aussi que ce sera un crève-coeur lorsque, adulte, 2R, partira loin en mission dans le temps, l'espace et les autres dimensions comme son père parce que Zéphyrin ne pourra pas le suivre ni le protéger. Mais les séparations rendront les retrouvailles intenses. "[...] - Tout dépend du vent, il y en a qui vous font tomber, et d'autres qui raffermissent vos attaches et vous fortifient."
Lenaïg
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