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— Si je comprends bien maître, nous devons poursuivre nos recherches, et donc enquêter chez les Porteucois même.
— C’est bien ça. Je sais que tu peux le faire, mais est-ce que tu acceptes de le faire ? Tu es bien conscient des risques, n’est-ce pas ? Si tu es découvert, tu seras désavoué.
— Je ne peux pas le faire seul, je veux une aide. Je pense à Proffy Terrol.
— Accordé, si tu lui fais confiance... Tu auras carte blanche, je dirai aux ateliers de t’accorder tout ce que tu veux… sauf bien sûr une boule explosive. »
La stratégie de Ram était de rejoindre Porteuc à vélo, et d’attendre la nuit pour y entrer. Il avait réussi à se faire remettre, non sans grande peine, deux des précieuses reliques de Friy : des viseurs nocturnes de la taille de simples grosses lunettes. Ils chercheraient alors un quelconque dépôt ou un garage, et essaieraient d’examiner minutieusement un chariot à loisir.
En cours de route, Proffy et lui croisèrent des caravanes de champignons ou d’algues. Les gens étaient d’ethnies différentes. Ceux-ci les avaient regardés d’une drôle de façon, mais pas hostile. C’était comme un regard… de commisération.
En arrivant au sommet d’une butte, les deux bricoleurs purent contempler la cité de Porteuc. Elle était nichée au milieu d’une vaste plaine herbeuse. Mais ils avaient beau regarder, ils ne virent personne aux alentours. De loin, la ville semblait abandonnée : elle n’avait pas le halo habituel de pollution provoquée au moins par la fumée des cheminées, car c’était l’heure de la préparation du dîner du soir. Ram et son compagnon attendirent la nuit dans un petit bois tout proche, se contentant d’un repas froid léger.
La nuit tombée, Porteuc apparut lugubre, dans les viseurs nocturnes. Les deux Friyens se préparèrent à traverser la plaine vide où ils ne virent même pas un simple lapin. Apparemment, toutes les activités étaient suspendues, il n’y avait aucun trafic, même pas de retardataires. Personne ne s’opposerait à la venue des deux bricoleurs.
Ils entrèrent dans une agglomération apparemment vide, les habitations semblaient en ruine. Les Porteucois avaient peut-être abandonné la périphérie pour se concentrer au milieu de la cité. Il se pouvait que leur natalité ne compensât pas leur mortalité. En suivant les traces des véhicules, Ram et Proffy arrivèrent à une vaste place publique. Ils y trouvèrent la carcasse d’un fourgon, sans roue ni essieu. Ils ne purent rien en tirer d’intéressant. Le point important, était que la cité semblait abandonnée, autant que les bricoleurs pouvaient déduire des maisons en ruine qu’ils voyaient en chemin.
« Dis Ram, tu es sûr que les Porteucois existent ? Parce que tout ce que nous voyons, c’est que des ruines.
— C’est sûr qu’ils existent, car d’où crois-tu que les champignons et les algues viennent ? Peut-être qu’ils sont descendus et vivent dans les tunnels. Pour en avoir le cœur net, allons sillonner la ville. »
Ils passèrent ainsi quelques heures à arpenter l’agglomération, suivant les principales voies. Ils étaient sûrs maintenant, les habitations étaient en ruine. Les habitants vivaient apparemment sous terre, et il fallait descendre. Ram était certain qu’il devait y avoir un accès près de la grande place, pour faciliter le chargement des fourgons. Et il avait raison, ils virent non loin, l’entrée en pente douce d’un tunnel et de multiples traces de roues. Par terre, sur le côté, il y avait une plaque rouillée où était écrit le mot « Subway », et un autre plus loin où ils purent lire « Soulatair ». La cité de Porteuc avait dû être bâtie sur une antique ville.
Ram avait l’intuition que le tunnel menait à un vaste labyrinthe et il n’osait s’y aventurer, au risque de se perdre. Mais il était pris par le jeu, il désirait connaître le secret des Porteucois. Il entraîna Proffy hors de la cité, jusqu’au bosquet où ils avaient fait halte. Il sortit son calepin et écrivit une lettre à l’intention du maître Honom. Il renvoya alors le senti-maître porter son message.
Maître Honom rendit visite à son confrère Maître Ollogy, une des grands maîtres compteurs. Celle-ci était à même d’avoir toutes les informations concernant une antique ville nommée Subway ou Soulatair, et voir s’il y avait une cartographie de ses tunnels. Le maître compteur fit faire des recherches à ses subordonnés, lesquels lui rapportèrent d’inestimables informations.
Le mot « subway » se rapportait à un ancien mode de transport, l’antique ville se nommait bien Soulatair, et de vieux documents révélaient un complexe réseau de tunnels sous la cité. Il fallait évidemment un compteur, pour déchiffrer les documents et pouvoir se déplacer sans se perdre dans ce labyrinthe. Les deux maîtres s’étaient mis d’accord pour envoyer la rha-compteuse Nèfe Hertary collaborer avec Ram, comme elle en avait apparemment l’habitude.
La jeune femme dûment briefée, partit donc rejoindre à vélo son ami bricoleur au bosquet convenu. Elle emportait tous les documents nécessaires pour se diriger sûrement dans les tunnels de Porteuc. Ram ne put cacher sa joie de retrouver sa chère Nèfe, et ne se priva pas de le manifester. La cité était peut-être déserte, mais les deux jeunes gens s’accordèrent pour n’entrer dans la ville et accéder aux tunnels que la nuit ; d’ailleurs, ils avaient leurs viseurs nocturnes.
Ils se rendirent compte que l’entrée avait été ultérieurement aménagée ; avant, la rampe était un escalier, mais il fallait sortir des tombereaux de marchandises, et des marches n’étaient pas appropriées. Plus loin dans le tunnel, ils virent des rails plutôt bien entretenus.
« à mon avis, les Porteucois vivent… là !
— Et pourquoi donc précisément là, ma chère Nèfe ?
— C’est évidemment le point central, quoique excentré par rapport à la ville de surface. Les habitants doivent rentabiliser leurs déplacements.
— Les gens doivent être aussi blêmes que des endives.
— Ils sont quand même obligés de sortir au soleil, non ?
A suivre
Illustrations :
- Consonno, Italie : https://www.redbull.com/be-fr/villes-fantomes-top-8
- Le temps des roues en bois : bouchon gallo-romain, vignette d'Astérix choisie par Rahar