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C'est dans un écheveau de câbles que commence une extraordinaire aventure pour un nouveau héros de Rahar, Joey Lafwin, un ingénieur informaticien frustré, qui, ne trouvant pas de poste correspondant à son cursus -ce qui est le lot de bon nombre de ses congénères- gagne sa vie comme technicien de SAV, une fonction que, de ce fait, il ne juge pas digne de lui ... Alors, pour "singer"  le présentateur de télé Michel Drucker, je lève bien haut la main et je dis : "Techniciens de SAV, si vous nous regardez ... !" Ben oui, nous qui n'y connaissons rien, nous avons bien besoin de vous ! Mais si dans la vie réelle, nous ne sommes pas dans la tête du héros, grâce à Rahar, nous allons illico presto devenir "lui" par la lecture ! Et que va-t-il nous arriver ? Sortirons-nous indemnes ? Voici le premier chapitre, notre sort se scellera dans le deuxième.

Merci beaucoup, maître Rahar, j'ai failli ne lire que la moitié de l'histoire avant de la poster ici, mais je n'ai pas résisté ... J'ai donc un peu d'avance sur l'éventuel lecteur qui ouvrira cette page et ... je ne regrette rien, c'était ... bien !

Note de Lenaïg administratrice du blog (de son mieux !)

Illustration : une oeuvre de l'artiste grec Charis Tsevis, et d'autres encore plus poétiques à contempler sur :

http://www.chambre237.com/illustrations-formees-avec-des-enchevetrements-de-fils-et-de-cables-colores/

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Joey Lafwin était accroupi derrière le gros serveur, farfouillant dans l’écheveau de câbles. Il jurait abominablement, car ses doigts, pourtant nullement boudinés, avaient de la difficulté à saisir la fiche défectueuse. Il reçut une forte décharge électrostatique et éclata en imprécations ; c’était tout à fait imprévisible et théoriquement impossible. Enfin, il devait y avoir un défaut de mise à la masse quelque part. Ce problème-là était celui d’un électricien et il le consigna.

Il était ingénieur. Un excellent même. Mais la récession avait rendu la recherche d’un job, bien plus ardue qu’un parcours du combattant, sans garantie de succès. Joey n’avait pu décrocher que ce minable boulot de technicien de SAV. D’une certaine manière, il pouvait s’estimer vernis, son cousin Blaise, qui avait sa maîtrise, faisait le videur dans une boîte de nuit, et son ami Odilon faisait le taxi clandestin, risquant à tout moment d’être attrapé et tabassé par les chauffeurs réglos.

En ce moment, il dépannait l’un des serveurs d’une entreprise de recherche technologique. Il avait déclaré l’évaluation de la réparation à une demi-heure, mais avait résolu le problème en moins de dix minutes. Il avait donc une vingtaine de minutes de loisir. Comme il était curieux de nature, il n’eut aucun scrupule à prendre une console et fouiller dans les serveurs, pirater leur accès sans laisser de trace n’était pas un problème pour lui.

L’entreprise effectuait des recherches dans la technologie de pointe. Joey trouva des sujets prometteurs, d’autres qu’il estimait aller dans le mur, et certains aux résultats révolutionnaires. Il était en train d’examiner les cotes d’un bidule, quand l’écran se brouilla. Peu à peu, une image se forma, se stabilisa et devint nette. C’était une scène de rue, comme vue d’une caméra de surveillance, mais étrangement, d’une caméra à hauteur d’homme. Éberlué, il vit des gens affairés passer, il vit une circulation relativement peu dense. Il vit une passante qui tourna la tête, comme par hasard, vers la caméra… s’arrêta et s’approcha. C’était une très séduisante jeune femme. Joey vit sa tête remplir tout l’écran et il recula instinctivement.

« Qui êtes-vous ? Moi, je m’appelle Siana. Tiens, vous avez de drôles de vêtements ! »

Joey se recula vivement, effaré. Ses yeux parcoururent rapidement le cadre de l’écran. Il n’y avait aucune caméra ou autre webcam. Comment cette créature avait-elle pu le voir ? Il portait un bleu de travail, son boulot pouvait l’amener à ramper, à s’asseoir par terre, à se frotter à des meubles poussiéreux. Sans crier gare, l’image fut remplacée par le schéma du bidule qu’il examinait quelques secondes auparavant.

Il se ressaisit. Avait-il eu une hallucination ? Il était en bonne santé, il ne se droguait pas, et il avait bien mangé ce matin. Alors ? Il essaya de se remémorer ce qu’il avait vu et en rassembler tous les détails possibles.

C’était une intersection qu’il n’avait jamais vue. Les maisons étaient en briques et n’étaient pas peintes ; leur style était indéfinissable, mais certainement pas moderne. Ce n’était visiblement pas un quartier d’affaires, ni réellement commercial, malgré l’existence de quelques boutiques. Quant à l’habillement des gens, Joey n’était pas très connaisseur, mais il avait constaté que la population était cosmopolite : il avait vu des boubous, des blousons, des costumes, sans cravate toutefois, de curieux pantalons de toile, peut-être des jeans mais pas bleus, des saris, des robes amples, des midis, et même des vestes mao. L’ingénieur n’avait pas encore beaucoup voyagé, et il ne reconnaissait pas la ville, bien qu’il fût fan de documentaires.

Il se rendit compte subitement de l’heure, nettoya son esprit pour se focaliser sur sa prochaine tâche, ramassa ses outils et quitta le bâtiment. Sa journée s’acheva sans incident notable. De retour à son entreprise, il se décrassa dans les douches réservées aux employés, accompagna ses collègues à leur bar habituel pour quelques chopes de bière, puis rentra chez ses parents. Ceux-ci consentaient encore à l’héberger, tant qu’il n’aurait pas trouvé un emploi digne de lui.

Joey avait fini par oublier l’incident. Il avait dîné de bon appétit, regardé les nouvelles avec son père, puis surfé sur le net un bon moment, avant de rejoindre son lit. Alors que son esprit divaguait en attendant le sommeil, l’incident se rappela à lui brutalement. Le sommeil le fuit immédiatement. Il se mit alors à réfléchir sur le phénomène, à essayer d’en comprendre le mécanisme. Bien qu’il se fût torturé la cervelle, il n’arriva pas à trouver d’explication rationnelle, ou même plausible. Ce qui l’avait le plus frappé était le fait que la jolie jeune femme avait pu le voir, par un moyen qu’il ne pouvait imaginer. Comment s’appelait-elle déjà ? Siana. Il prononça le nom. Il le répéta une fois… puis encore, avec une sorte de délectation.

Une heure après, il ne trouvait pas encore le sommeil. Il se leva alors et alla rallumer son ordinateur. Il ne savait pas encore ce qu’il allait faire, surfer ou coder un programme. Il commença d’abord par chercher des amis qui fussent en ligne. En essayant d’ajuster son webcam, il reçut une décharge électrique qui le fit sursauter. Qu’est-ce que c’était que cette merde ? Il se recula en se grattant la tête. Soudain, les lignes de code de l’écran se brouillèrent. Une image floue commença à s’afficher, puis devint nette. C’était la même intersection, mais de nuit. Elle était encore animée, éclairée par des réverbères surannés. Il n’y avait aucune enseigne lumineuse. Joey vit des gens passer, surtout des couples ; quelques-uns lui jetaient un coup d’œil indifférent. C’était dingue, le jeune homme avait l’impression qu’ils le voyaient.

Contre toute rationalité, il espérait revoir Siana. Mais il serait vain de croire qu’une jeune femme se hasarderait à déambuler seule à ce moment de la nuit, à moins d’être une péripatéticienne. Toutefois, Joey se mit à scruter avidement tous les détails de l’image animée, s’attendant contre toute logique à voir apparaître la créature qui avait fini par l’obséder. Comme pour la première fois, le phénomène ne dura pas une minute et les lignes de code réapparurent.

À la même heure, une escouade de militaires envahissait l’entreprise où l’ingénieur avait effectué son dépannage, le matin. Le colonel qui la commandait fit investir la salle des serveurs, se prévalant du titre de responsable de la sécurité nationale. Des troufions bardés d’appareils s’affairaient, surtout autour de la console que Joey avait utilisée. De leur jargon technique, il ressortait qu’ils ne détectaient plus que des traces résiduelles d’intrication quantique. Mais un nouveau pic d’ébranlement du continuum provoqua l’émoi des techniciens. Au grand dam du colonel, ils durent retourner à leur base pour pouvoir localiser le lieu de ce nouveau pic, la grande machine détectrice étant loin d’être transportable.

Joey était en train de se brosser les dents après un petit-déjeuner copieux, quand une rumeur et un bruit de moteurs puissants l’interpellèrent et lui firent regarder par la fenêtre. Des militaires s’étaient arrêtés dans la rue, à la hauteur de sa maison. Ses parents étaient déjà partis, chacun de leur côté. Joey, comme les jeunes de sa génération, avait un esprit un peu rebelle et appréciait très peu les représentants de l’ordre. Bien qu’il n’eût apparemment rien à se reprocher, son instinct prit le dessus et fit jouer son automatisme pour fuir toute embrouille. Il rafla sa sacoche, dévala en trombe l’escalier, sortit précipitamment par la porte de derrière et détala à travers les jardins des voisins.

Il n’eut pas à pointer à sa société : la veille, il avait déjà reçu son planning d’interventions de la journée. Contrairement à ses collègues, il ne suivait pas l’ordre de sa liste, il préférait optimiser ses déplacements en triant la liste selon la distance. Il serait donc plus ardu de le localiser à un moment donné. Tout à son travail, il relégua au fin fond de son esprit l’incident.

Ce ne fut qu’à l’heure de la pause déjeuner que les évènements du matin l’accablèrent. Il se l’avoua, il n’avait pas l’esprit citoyen ; c’était probablement dû au fait qu’il vivait encore avec ses parents. Il s’était dit que son père, ancien réserviste, saurait se débrouiller avec les militaires. Il ne savait même pas pourquoi l’Armée s’intéressait à lui, il n’avait rien à se reprocher, il n’était pas de ces geeks qui s’amusaient à hacker. Il avait instinctivement pris la fuite. À ce moment, il ressentit une pointe de remords. Il pensa à l’éventualité de la torture que les militaires pouvaient infliger à son père. Enfin, il pensait que les militaires torturaient les suspects. Mais il ne savait pas quoi faire. Il ne savait même pas quoi dire à ses parents.

Joey alla à son intervention suivante. Deux minutes plus tard, le colonel et sa troupe arrivèrent au snack où l’ingénieur s’était sustenté, fichant la trouille aux clients. L’officier éclata en imprécations obscènes, mais reprit en main ses soldats et les dirigea vers le prochain lieu d’intervention probable de leur proie.

L’ingénieur était en train de remplacer un disque dur, quand il reçut une décharge électrique. Alors qu’il dévidait son répertoire de jurons, il vit du coin de l’œil que le moniteur d’à côté changeait d’image. Il s’approcha vivement de l’écran. Il revit la même intersection. Son cœur battit plus fort. Il espéra comme un fou… Puis il la vit ! Siana ! Elle avait une autre apparence, mais il ne pouvait pas ne pas la reconnaître. La veille, elle avait une sorte de cardigan blanc et une jupe de tulle, ses cheveux auburn étaient en queue de cheval. En ce moment, elle portait une espèce de tunique beige et des pantalons larges à mi mollet, ses cheveux lâchés pendaient jusqu’à ses épaules, et ses yeux scrutateurs étaient d’un miel doré.

« Ah, vous revoilà ! Mais qui êtes-vous donc ? Et que faites-vous là ?

— Euh… Je m’appelle Joseph… Enfin, mes amis m’appellent Joey… Comment me voyez-vous ?

— Eh bien, je vous trouve mignon… Mais je suppose que ce n’est pas ce dont vous voulez dire. Vous êtes dans l’écran public d’information. Et c’est curieux, la foudre est tombée pas loin, hier. Puis un objet tubulaire est apparu de nulle part, dans le ciel, et a explosé.

— C’est drôle, je vous vois dans un écran d’ordinateur. Mais comment pouvons-nous nous parler ?

— Ah ça, je ne suis pas une technicienne. Mais c’est la première fois que je vois ça. Où êtes-vous donc ?

— J’effectue un dépannage dans une entreprise… Euh, je suis à New-York.

— Connais pas... Enfin, je n’ai pas beaucoup voyagé. Moi, je suis à Beaubay.

— Vous voulez dire Bombay ?

— Non, non, je dis bien Beaubay… Vous devez connaître, non ?

— Ben, c’est sur quel continent ?

— Incroyable ! Vous êtes nul en géographie ? C’est en Luméria, voyons. »

 

A suivre

 

RAHAЯ

Tag(s) : #Les nouvelles de Rahar
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