Pour la quinzaine d'Enriqueta, les croqueurs parlent aux croqueurs,
comme la commandante Domi l'annonce sur le blog de la communauté.
Enriqueta nous propose pour ce jeudi :
Trouvez un poème ou une chanson
Qui évoque une certaine forme de résistance
Et dites pourquoi vous l’avez choisi.
Je choisis de reprendre La rose et le réséda de Louis Aragon, qui évoque des résistants français morts en se battant contre le joug nazi et qui met l'accent sur le fait que certains étaient croyants, d'autres athées. Leurs différences de pensée sur le sujet n'a pas empêché qu'ils se réunissent dans une autre foi, celle de la liberté, au prix de leurs vies. Au moment où des fanatiques religieux décident qu'il faut éliminer tous ceux qui ne sont pas de leur obédience et perpétuent des attentats meurtriers à Paris, Copenhague et partout dans le monde, à l'heure aussi où des supporters britanniques refoulent un noir d'une rame de métro en chantant qu'ils sont racistes, ce poème nous rappelle qu'il nous faut résister, par tous nos moyens, à l'obscurantisme et à la folie, pour que tout le monde profite de la douceur des printemps.
Note de Lenaïg
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fut de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda
Louis Aragon
Extrait de
"La Diane Française"
édition Seghers
(Texte pris sur Poesie.net)