Deux êtres si différents, Un éléphant et un pélican, S’étaient donné rendez-vous, le soleil déclinant Pour passer un bon moment, Sans inviter le cormoran, Bien trop méprisant. L’un et l’autre portaient une blessure, Qu’ils cachaient dans leur armure, Mais bien présente au fond de leur cœur, Comme une profonde douleur. Toi qui cherche à nous décrire, ô poète, Devant tant de tristesse, ton écriture restera-t-elle muette ? Nous savons les cacher nos sanglots, Sans pour autant être barjots. Chacun des deux amis Par un invisible ennemi A eu son cœur transpercé, Et par une flèche, défoncé. Ne blâmez pas Ces deux êtres sympas. Pour vous leur cœur va s’ouvrir, Vous allez les découvrir.
Moi, dit avec tristesse, le pélican, Au soleil couchant, Fatigué d’un long voyage, Mes petits attendant leur breuvage. Je suis rentré sans proie Eux qui m’attendaient avec des cris de joie. Je n’ai pas eu le courage de me sacrifier, Et pour ma progéniture, me crucifier. Faire comme les autres, je ne pouvais faire, Et encore moins, comme l’âne, braire. M’envolant sur un rocher élevé, Je regardais de loin ma couvée, Rejetant mon sacrifice Pour mourir d’un long supplice. En moi leurs cris s’amplifiaient, Je les laissais s’atrophier. De loin, je leur dis, adieu, En les confiant à Dieu. Depuis ce drame hideux, Je n’ai plus demandé aux cieux, D’accueillir une autre couvée, Que j’étais incapable de conserver. Cette croix, je la porte en moi, Mon cœur reste en émoi.
Moi, dit en pleurant le gros pachyderme, Je ressens dans tout mon épiderme, Un drame similaire, Que je ne souhaite pas, même à mon pire adversaire. J’ai abandonné mon premier éléphanteau, Un bon petit zigoto, Qui courait partout, Comme un petit toutou. Un jour au milieu de la savane, Il mangeait tranquillement des feuilles de bananes, Sans surveiller les alentours, Pour couvrir son retour. Un lion le surprit, et son cou transperça ; Sur place, il le glaça. Du plus profond de mon être, j’ai barri, Regardant de loin, la mort de mon petit chéri. Je suis resté sur place Sans faire preuve d’audace. Le lion emporta sa proie, Je restais avec ma croix.
Que l’on soit pélican ou éléphant, Que l’on soit lion, tigre ou serpent Noir peut devenir le fond du cœur Débordant de douleur. A la place du cœur, l’animal n’a pas une pierre, Qu’il soit mère ou père Son petit doit rester vivant, Et s’égayer dans le vent. Hommes qui chassaient les animaux, Ils sont tous doux comme des agneaux. Laissez-leur la joie de vivre, Et pour beaucoup de survivre. (26 juillet 2017) | |