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A la recherche du pourquoi, par le comment - Lenaïg (1/3)

Je me lance, je commence, je dois traquer le pourquoi ? et le comment ?, découvrir leurs tanières, à ces questions qui s'obstinent à s'imposer à nous, qu'on leur fournisse des réponses, ou pas.

Pop pop, n'allons pas trop vite, tout va se décanter à son heure. Avant de nous occuper du pourquoi en priorité, souvenons-nous immédiatement de comment nous étions, enfants. Si nous avons oublié, c'est que nous n'avons pas d'enfants dans notre entourage. Comment sont-ils, ces enfants, dans le cadre de notre sujet d'étude ? Tout le temps à nous interroger : pourquoi ceci ? Pourquoi cela ? Ils nous exaspèrent et nous étourdissent de leurs "pourquoi" au point qu'on pourrait mettre un s à ce pourquoi.

D'ailleurs, ils sont capables de nous demander pourquoi on ne leur met pas de s, à ces pourquoi, quand ils sont plusieurs ou nombreux (les "pourquoi"). Là, nous avons intérêt à bien connaître la grammaire pour leur apporter une explication qui fasse taire leurs "pourquoi", car si nous leur répondons que "c'est comme ça et pas autrement", ou simplement "parce que !" avec un haussement d'épaule, nous courons le risque de voir une lueur d'incrédulité dans leurs yeux, portant atteinte à notre prestige d'adulte. Notre prestige, nous devons le cultiver, nous n'avons pas le choix vis-à-vis d'eux, que nous soyons convaincus de l'avoir ou pas. S'ils sentent que nous ne savons pas, ils sont capables de tout : rester d'éternels bébés dans les jupes de leurs mères, avoir peur de tout, perdre confiance en nous pour les plus petits, ne pas vouloir grandir, n'en voyant pas l'utilité -je vous passe tous les dérapages possibles pour les adolescents-, oh puis non, je vais citer un exemple qui me revient en mémoire (quelle chance !) : le cas se situe dans le monde animal, en Afrique, c'est une histoire véridique dont je ne peux citer la source, l'ayant oubliée.

Je vous garantis toutefois que je n'invente pas : il y a quelques années, dans une région africaine, les rhinocéros blancs étaient un à un assassinés, étouffés, écrasés. L'enquête stagna dans un premier temps, la piste des braconniers n'étant pas valable dès le départ, aucun butin n'étant emporté. On finit par découvrir le pot aux roses : les coupables étaient une bande de jeunes éléphants orphelins qui erraient ensemble et qui, probablement (car il ne fut pas possible de le leur faire avouer) pour s'amuser, traquaient les rhinocéros blancs pour les piétiner (est-ce la couleur blanche qui les excitait, les indisposait ? Une question d'odeur ? Ces questions resteront posées, je dis pouce car en tant qu'humaine, je ne suis pas qualifiée pour répondre à ce pourquoi-là ; au moins, le comment a été éclairci et je souhaite qu'on n'en profite pas pour m'accuser de racisme, je n'y suis pour rien). La conclusion des spécialistes était que, privés très tôt de contacts avec leurs mères, peut-être aussi sans exemple de pères (mais je ne suis pas sûre que les éléphants males soient très présents dans l'éducation des éléphanteaux), ces jeunes bestiaux n'avaient eu aucun repère de bonne conduite, aucun modèle à imiter pour se forger leur personnalité. Il leur avait donc été impossible de demander le pourquoi du comment à leurs parents, en langage éléphantesque s'entend (infrasons ?) ; ils n'avaient pas "grandi".

Il est hors de question de mentir aux enfants, ce serait pire. Leur dire d'aller voir sur l'internet est une solution de facilité. Comme ils maîtrisent très tôt les nouvelles technologies bien mieux que nous, s'ils nous posent des questions, c'est qu'ils tiennent à ce que nous répondions nous-mêmes ! Il faut contourner l'obstacle en mettant les choses à plat, ou l'obstacle à plat … On apprend cet exercice à l'école des politiciens. Sans les imiter vraiment, nous pouvons nous servir de quelques tuyaux et ficelles du discours politique. L'énergique et pittoresque "Taisez-vous, Elkabbach !" de Georges Marchais, que les gens de vingt ans ne peuvent pas connaître, est à proscrire. Pourquoi ? Parce que les interlocuteurs ne sont pas placés sur un pied d'égalité. Si nous sommes des pères, des mères, des grands-parents, des oncles, des tantes, des profs, etc, nous sommes supposés dominer la situation, sans nier ou opprimer les supposés charmants bambins pour autant. Jacques Chirac avait un tic bien connu pour s'approprier le sujet à débattre, ou faire face aux feux des journalistes. Le temps de lancer son célèbre "Écoutez … !", il fouillait dans les tiroirs de son cerveau pour en extraire la réponse adéquate. L'art de ne rien dire tout en le disant n'est pas donné à tout le monde.

Et on peut tomber à côté : je tiens une anecdote de mon père, qui démontre le piège. Il y a environ quarante ans, un plaisantin glissa une question inattendue à un politicien débutant qui faisait campagne, ou qui venait d'être élu : "Monsieur le [---], êtes-vous hermaphrodite ?" Le politicien tenta de masquer son désarroi, y parvint peut-être aux yeux et aux oreilles distraites ou ignorantes de certains, et eut cette délicieuse réponse : "je vous remercie de me poser cette intéressante question, mais laissez-moi un peu de temps, je dois y réfléchir." D'où l'intérêt de cet essai, pour ne pas être pris au dépourvu, que je conduis d'une main ferme avec une assurance bétonnée. Je sais où je vais ! Pas de labyrinthe qui tienne : Aucun Minotaure ne m'engloutira, tout le monde sait que cet homme fabuleux à tête de taureau mangeur de jeunes gens et jeunes filles n'a jamais existé.

Oups, je me montre imprudente et irréfléchie, là, si j'efface la "réalité" du Minotaure, je ne pourrai ni semer les cailloux du Petit Poucet, ni continuer à dérouler le fil d'Ariane solidement attaché dehors à un rocher, ni utiliser la baguette de ma fée. J'y pense, je serais sans doute rassise au goût du monstre, mais on ne sait jamais … Je garde tout cet attirail, j'ai besoin de rêver et de m'évader plus que jamais. Quel est alors mon Minotaure à moi en cette affaire ? Bof, une baudruche, du vent : le ridicule qui voudrait me tuer si je ne m'en sortais pas ? Même pas peur. Du ridicule, pas spécialement, mais de ne pas m'en sortir, j'aime mieux ne pas creuser présentement.

J'espère qu'on lira entre mes lignes car je ne vais pas avouer en si bon chemin que je n'ai aucune idée de l'aboutissement de mon essai, ni s'il aboutira. Un autre aspect de mon Minotaure, ce sont les critiques, mais là, elles seront les bienvenues, si j'ai le plaisir d'être lue. Bienvenu aussi un coup de main, du genre : quelques exemples précis de "pourquoi" d'enfants, qui viendraient égailler, fleurir l'aridité de l'essai, sur cette route encore longue et semée d'embûches (cliché ? Oui, mais je l'aime bien). D'ailleurs la nuit est bien avancée, assez cheminé, la suite sera pour demain (ou pour un autre jour) après une bonne fin de nuit de sommeil qui portera conseil (deuxième cliché, mais qui me rassure), je fais halte et je prépare mon bivouac.

A suivre

Lenaïg (20 novembre 2009)

Note : la forme compacte de l'essai est voulue. Je suis en train de lire l'édifiant Petit Traité de toutes vérités sur l'existence, de Fred Vargas et, sans prétendre rivaliser avec l'esprit brillant de l'auteur, c'est son essai à elle qui m'a poussée parallèlement à cogiter dans le but de voir si j'arriverai à quelque chose.

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Tag(s) : #Essais
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