Tourisme sexuel
Un
couple dépareillé s'est présenté un soir à la réception de l'hôtel cubain où j'ai séjourné la semaine passée.
Lui, un Cubain dans la vingtaine à la peau noir comme l'ébène. Elle, une dame d'au moins
70 ans à l'épiderme rose légèrement ridé. Une touriste du Québec qui ne comprenait rien de ce que la commis lui disait en espagnol. Son jeune compagnon m'avait entendu baragouiner la
langue de Castro. Il m'a apostrophé et m'a demandé de traduire, svp.
L'employée au comptoir m'a expliqué que le tarif était de
70 $ par jour pour héberger une personne dans une chambre. J'ai fait la traduction à la vieille dame. Elle est restée bouche bée, visiblement mal à l'aise. «Madame, vous êtes tous les
deux majeurs et vaccinés. Je ne juge pas. Je fais simplement la traduction», je lui ai dit. Elle a hésité puis elle a lancé : «70 $ par jour même s'il couche dans ma chambre ?»
«Oui», a confirmé l'employée. «D'accord», a dit la touriste. Le visage de son compagnon s'est illuminé. Il lui a donné un bisou sur la bouche
en passant son bras autour de sa taille.
On a vu les deux tourtereaux sur la plage avoir des «rapprochements» style Occupation Double. Ni l'un ni
l'autre ne parlait la langue de l'autre mais ils les mêlaient pareil. Entre-temps, on a appris qu'elle avait 80 ans. Une femme bien conservée qui ne devait pas avoir à payer pour un
rendez-vous galant dans sa jeunesse, au contraire.
Son ami Cubain m'a encore interpellé quelques jours plus tard. «Je ne veux pas m'imposer. Demande
lui si elle veut que je parte. Combien de jour elle veut me garder ?», il m'a demandé. «C'est une bonne personne. Pour moi, l'âge n'a pas d'importance», il a précisé. J'ai traduit à la
dame. Elle a dit qu'elle voulait qu'il reste sans préciser de limite. Rebisous.
À 70 $ par jour, la facture montait vite. «Ça vaut la peine», a assuré l'octogénaire en souriant.
En général, quand un étranger âgé se promène au bras d'une jeune
Cubaine en manque de tout, un léger haut le cœur nous étreint. On trouve dégueulasse de profiter de la pauvreté des gens pour obtenir des services sexuels.
Avec la madame plus âgée, ça passait mieux. Les gens réagissaient
plutôt bien. Plusieurs trouvaient ça même «mignon». La sexualité chez les ainés est taboue. Voir une octogénaire affirmer ses besoins et les combler avait peut-être un côté
rafraichissant.
Mais tous ne voyaient pas la chose d'un bon œil. Après le départ des
émules d'Harold et Maude, l'employée à la réception de l'hôtel a eu cette réflexion : «Elle va faire une crise cardiaque ! Les touristes sont fous !»
Michel Thibault
Samedi 22 janvier 2011
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Plage, alcool et sexe
Sur la plage, l'autre jour à Cuba, un sexagénaire à moitié chauve et une jeune fille de la place
occupaient des chaises longues voisines. La main tachetée de vieillesse du bonhomme a atterri sur la cuisse juvénile allongée à côté.
C'est un des visages du tourisme sexuel auquel le journal La Presse a consacré une série d'articles
cette semaine. Ironiquement, après en avoir vu de toutes les couleurs sur ce plan pendant mes vacances, je tombe sur ces textes à mon arrivée.
Les gars y sont généralement pointés du doigt mais je puis vous dire que les filles ne sont pas en reste.
Leurs motivations paraissent toutefois variables. Il existe des femmes peu gâtées par la nature, avec une faible
estime d'elles-mêmes, qui vont à Cuba pour trouver l'Amour, voire perdre leur virginité. Et l'excursion leur réussit. Un Cubain les courtise. Elle croit qu'il ne voit pas ses
bourrelets mais c'est plutôt parce qu'il perçoit en elle un billet d'avion aller seulement vers la richesse. Deux pauvres réunis. Lui d'argent et elle de tendresse.
Triste.
Il y a aussi les filles qui vont faire la fête dans le Sud : plage, alcool et sexe. Elles n'attendent pas
que les gars les courtisent. Elles prennent les devants. «Je viens de voir un super beau gars au bar. Je lui ai dit qu'il me plaisait. Il a dit que je lui plaisais aussi. Je veux le
baiser. Avez-vous des condoms ? Je ne fais pas ça sans condom.» Une compatriote avec qui nous avions échangé quelques paroles est venue nous demander ça bête de même tandis qu'on
prenait l'apéro. C'est un exemple.
Un autre soir, deux amies de filles dansaient la salsa en se retroussant les jupes dans l'aire du snack bar. On
les a vues aller titiller des jeunes hommes en frottant leur buste ici et là.
J'en ai entendu des plus vulgaires pousser des chansons grivoises à tue-tête sur la plage : «On s'en
vient se faire (mot salé de votre choix) par les latinooooos». Frotti-frotta dans la mer avec les sauveteurs. Un moment donné, une de ces touristes québécoises sur le party en
soulève un hors de l'eau en demandant à la ronde : «Yé tu bandé ! Yé tu bandé !»
Ha ces jeunes hypersexualisés ! pensez-vous. Pas du tout. Les filles dont je vous parle n'avaient pas vingt ans.
C'était toutes des dames dans la quarantaine.
J'en ai même vu une deux fois plus vieille se payer les services d'un jeune Cubain. Pour les détails, vous lirez
mon billet intitulé «Tourisme sexuel» dans Le Soleil de demain.
Bien sûr, je n'ai rien contre les rapprochements entre adultes consentants. C'est le genre pas subtil qui me
rebute. L'influence d'Occupation Double ?
Michel Thibault

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Note de Lenaïg : Occupation double, émission de téléréalité québécoise.