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Jeudi en poésie chez Fanfan et les Croqueurs (n°2) : parodie jolie !

Pour le deuxième jeudi en poésie de la capitaine de quinzaine Fanfan, chez les Croqueurs de mots, j'avais décidé de chercher un beau pastiche, une jolie parodie de poème d'un écrivain célèbre, un texte qui ne soit pas déjà trop connu. Je n'ai donc pas regardé du côté des "interprétations" des fables de La Fontaine ; j'ai pensé à La conscience, de Victor Hugo, qui se termine par l'effrayant et pourtant comique : "L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn", puis j'ai tranché : ce poème se suffit à lui-même, il est splendide, je n'en veux pas de parodie ... J'ai aperçu un joyeux pastiche très réussi de Le lac de Lamartine, qui met en scène une torpédo, par un auteur anonyme (je nous indique le lien en passant : clic !). Enfin, voilà que la madeleine de Proust est venue me chatouiller les narines ! Une parodie des extraordinaires longues phrases de Marcel Proust ! J'en tiens une ! Je l'avais déjà lue, je la relis avec plaisir et je la propose ici, elle est de Jean-Louis Bory. Si la madeleine n'y pointe pas son nez, qu'on ne s'inquiète pas, je nous l'apporte juste après, par le maître lui-même. Je termine mon introduction à la page par un autre lien, qui conduit à la plus longue phrase recensée de Proust : clic !
Lenaïg
 

« Françoise, qui avait protesté pendant des années contre ma réclusion volontaire et l’habitude que j’avais prise de ne sortir qu’après minuit, à des heures qu’elle appelait, en estropiant l’expression courante, « hindoues » (car elle était inébranlablement persuadée que ceux qui disent « indues » ne prononçaient ainsi que par affectation de parler parisien), m’adjura de rester couché lorsque, après une maladie qui m’avait fait garder la chambre six mois, je décidai, me sentant un peu mieux, de me rendre à une soirée que donnait Roberte Swann en l’honneur d’un maquisard guatémaltèque, personnage qui, en d’autres temps, n’eût peut-être pas réussi à me tirer de mon lit, mais dont la présence rue Saint-Dominique avivait mon désir d’entendre parler de la révolution qui venait d’éclater quelques jours plus tôt, et des épisodes sanglants, héroïques ou délicieux de laquelle j’espérais être, au spectacle de la rue, le témoin effrayé, enthousiaste ou ravi... »

Jean-Louis Bory - Copyright © Editions Bernard Grasset

http://style.modedemploi.free.fr/

***

Et dès que j'eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s'appliquer au petit pavillon, donnant sur le jardin, qu'on avait construit pour mes parents sur ses derrières (ce pan tronqué que seul j'avais revu jusque là) ; et avec la maison, la ville, depuis le matin jusqu'au soir et par tous les temps, la Place où on m'envoyait avant déjeuner, les rues où j'allais faire des courses, les chemins qu'on prenait si le temps était beau. Et comme dans ce jeu où les Japonais s'amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d'eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s'étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l'église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé. » 
PROUST Marcel, Du côté de chez Swann, GF Flammarion, Paris, 1987, p. 140-145

http://marcelproust.pagesperso-orange.fr/images/la_madeleine.pdf

Tag(s) : #Jeux, #Articles
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