UNE JOYEUSE FÊTE
J’étais en train de penser à ce que je vais offrir à la mère, quand le carillon d’entrée me fit sursauter. Je n’attendais personne, et de toute façon, les gens étaient en train de préparer la fête des mères. À moins que ce ne soit un créancier impatient, mais il avait mal choisi son moment : je n’avais pas de liquide et de toute manière, un chèque ne pourra être touché que lundi. Surprise ! c’étaient les enfants de ma sœur.
- Salut, tonton.
- B’jour, t’ton.
- Hey ! Salut, les enfants. Entrez, entrez. Que me vaut donc le plaisir ? Vous ne deviez pas être à la piscine ?
- Ben oui, mais c’était un prétexte.
- Ah, vous avez pensé à tonton, ce sac est pour moi ?
- Beh non, c’est pas pour toi.
- Ah…
- Tu sais tonton, que demain c’est la fête des mères.
- Euh… oui. Mais je ne suis pas votre mère, que je sache.
- Mais puisqu’on t’dit qu’c’est pas pour toi.
- On a
besoin de ton aide, tonton.
- D’accord, d’accord. En quoi puis-je vous aider ?
- Ben voilà, on voudrait offrir un gâteau à maman…
- Eh bien, vous n’aviez qu’à voir chez le pâtissier…
- On y est allé ce matin, t’ton. Nos économies ne sont pas assez.
- Mais on y trouve des gâteaux de tous les prix…
- Pfff ! Tu nous a appris à ne pas être mesquins, tonton.
- Et pis, on n’aura qu’une toute p’tite part.
- Tais-toi nigaud, c’est pour maman, pas pour toi.
- Quand même, t’sais bien qu’elle va partager.
- Allons, allons les enfants. Qu’avez-vous donc en tête ?
- Ben je me suis dit qu’avec ce que nous avons, on pourrait faire un gâteau maison.
- Voui, on va faire nous-même le gâteau,
une forêt noire. On a fait le marché.
- Écoute tonton, si on défalque le bois de chauffe, la main-d’œuvre et la marge bénéficiaire du pâtissier, on pouvait s’en sortir.
- Très bien. Et quel rôle vais-je donc jouer ?
- Comme c’est une surprise, nous ne voulons pas faire ça chez nous. Et puis, on veut profiter de ton savoir-faire.
- Et pis on veut pas salir la cuisine, ça pourrait énerver m’man.
- Et donc vous voulez salir la mienne de cuisine ?
- Tonton ! Je te promets qu’on va tout nettoyer après.
- C’est bon, voyons ce que vous avez… Tiens, pourquoi faire cet œuf de caille ?
- Ben y en avait plus, c’est à croire que tout le monde a besoin d’oeufs, alors… Mais c’est un œuf, non ?
- Heureusement que j’en ai encore dans mon frigo.
- Tu sais t’ton, on te remboursera mercredi prochain, quand p’pa nous donnera notre argent de poche.
- Ne t’en fais donc pas, mon p’tit gars, c’est rien.
- J’ai… euh nous avons pensé aussi que tu nous avancerais un peu de beurre.
- D’accord poulette, vous avez de la chance que je viens de m’approvisionner.
- On sait.
- Quoi ? Mais vous êtes machiavéliques !
- S’il te plaît, tonton.
- Très bien, sortez le matériel… Et toi, qu’est-ce que tu fous ?
- Ben elle sait où sont les trucs dont t’as besoin, moi pas.
- Bon toi, tu vas casser les œufs et isoler les jaunes.
- Eh le jojo ! arrête de manger le chocolat, y en aura pas assez pour le gâteau.
- Ben faut bien que j’goûte, pour voir si c’est assez noir.
- Allez p’tit gars, va voir dans le buffet, il y a une tablette, sers-toi.
Les enfants sont enfin partis. Ils vont revenir demain prendre livraison de leur
« œuvre »… Enfin, j’ai plutôt fait le plus gros du boulot, sacrés gamins ! Heureusement qu’ils avaient nettoyé comme promis. Je vais ranger le fameux gâteau. Tiens, qu’est-ce
que c’est que ce petit truc qui dépasse ? Je tire un peu. Horreur ! c’est une patte de cancrelat ! Il était probablement dans la farine. Il y a bien des gens qui bouffent des insectes, mais je ne
crois pas que ma sœur apprécierait. J’ai l’esprit ouvert, mais pas assez pour goûter au cafard. Et si je l’enlevais tout simplement ? Non, il y a l’odeur, subtile peut-être, mais il faut
compter sur le nez fin de mon beau-frère.
Tant pis, je vais me fendre d’une forêt noire chez le pâtissier. Pourvu qu’il en reste. Heureusement, les enfants n’y verront que du feu, ils ne décèleront aucune différence. Évidemment,
les enfants allaient se faire mousser, mais ma sœur ne sera pas dupe, elle connaît très bien mes talents. mais c'était parti d'un bon coeur, ah, les chers anges !
Rahar