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Seule dans mon lit, à huit ans, j’écoutais une discussion entre adultes. On parlait d’extraterrestres. J’ignorais tout d’eux, mais je me suis imaginée en être une. À cet instant, j’ai pensé qu’il y avait peut-être une vie avant celle que je savais être la mienne. Je ressentais une impression confuse. Celle de n’avoir pas choisi celle-ci. On me l’avait imposée et je la subissais. Donc, je me suis inventée une raison d’être là. Il me fallait une raison de rester auprès de ma mère, de mon père et de mon frère. Je venais d’une autre planète et mes semblables reviendraient un jour. Ignorante du quand, où, comment, je m’y préparais. Par ma tache  de naissance, mon symbole d’appartenance, ma vraie famille saurait me retrouver. Mon corps ressemblait à celui des humains, mais ce n’était qu’illusion. Peut-être que ma peau était verte et que j’avais des yeux tout Petite Martienne verte - www.jeux2 filles.frle tour de la tête ? Peut-être que je n’avais pas de cœur et que je devais apprendre à aimer ?  Et si j’étais un pont entre deux mondes ? Une certitude. Mon intelligence me séparait des humains que je côtoyais. Les jeunes de mon âge m’ennuyaient. Elles voulaient jouer à la poupée et je voulais écrire des histoires. Celles que je voyais autour de moi. Il me fallait prendre des notes. Écrire mes observations, mon expérience sur cette planète ferait sens à ma présence ici. J’étais en vacances pour la durée d’une vie humaine et j’avais besoin de remplir mon carnet de voyage. Ces origines inventées servaient peut-être à  justifier mon sentiment d’être une étrangère de mon environnement. Je me suis soumise et j’ai voulu m’adapter à ma famille. J’ai renoncé à convaincre mes parents que ma planète d’origine n’était pas la leur quand j’ai lu dans leur regard bouleversé que cette idée les chagrinait.

 

-          Elle déborde d’imagination !

 

chaussures-halloween-2 www.blog-chaussures.frPar ces paroles, ma mère rassurait les invités. J’en demeurais bouche-bée. Personne ne portait véritablement attention à mes affirmations. De toute évidence, ma mère et son monde ignoraient ma vraie nature. Avec des yeux pétillants d’admiration, ses paroles s’obstinaient à m’affirmer mon imagination débordante en me tenant loin de ma réalité. Cette puissante imagination devenait un don, il me fallait l’exploiter.

   

Je suis née à six heures cinquante-neuf après trois jours d’intenses douleurs qui appelaient la mort. Comme un train si long qui passe sur tout le corps en déchirant les entrailles de ma mère, des infirmières ont dû pousser si fort sur son ventre pour qu’enfin je puisse sortir de celui-ci en une seule pièce. Cétait pas trop tôt ! Jamais ma mère ne leur aura pardonné leur incompétence et moi, j’ai hurlé pendant les sept premiers mois de ma vie. Ce jour de ma naissance, mon père n’était pas là. Le pauvre homme épuisé avait besoin de dormir en attendant ma naissance. Je ne suis pas née au bon moment. Pas le sien. Je crois bien que ce moment fut le début de sa fin quand ma tête déchirait les entrailles de ma mère, le ciel alignait les astres qui permettaient de prédire sa chute. J’avais mis le feu au canon qui allait l’expulser du nid. Il avait loupé l’audition. Du même coup, le rôle qu’il convoitait avait disparu de mon scénario. Il ne lui restait qu’à improviser. Ce qu’il a fait maladroitement en position d’opposant. Je ne l’aime pas. Longtemps, j’ai essayé, mais vainement. Elle, je l’ai aimée dès l’instant où son odeur s’est infiltré dans mes poumons. J’ai crié fort parce que je ne voulais pas expirer. Chaque inspiration me rapprochait d’elle, chaque expiration m’en éloignait. Plus tard, j’ai connu Chaussures-kickers-rose - www.letsbuyit.comle mot pour nommer cette odeur : Shalimar. Je l’ai mangée des yeux, collée contre son sein. Elle était si belle, je voulais lui ressembler. Mais c’est la tache qui a tout fait basculer. Depuis, j’observe, je note, j’analyse et je me raconte.

 

A quatre ans, j’ai enfoncé mes petits pieds dans ses chaussures à talons hauts, enroulé un foulard rose autour de mon cou et ganté mes mains. Je me suis sentie légère, heureuse et triste en me voyant dans le miroir de sa chambre. Ce n’était qu’un jeu. Je voulais être ma mère et je m’inventais de toutes pièces. Je savais qu’après, il me faudrait tout ranger. Retourner à ma place. Vivre ma vie. Celle que j’ignorais. Depuis, je me suis attribuée plusieurs rôles et sont venues aussi mille préoccupations. Cela m’a appris que pour changer le cours d’une histoire, il faut être plusieurs à tenir le même rôle. À certains moments, mon histoire me paraît réelle, à d’autres, j’en doute. À défaut de contrôler ma vie, je manipule des personnages. C'est de loin le rôle que je préfère.

 

Dernièrement, je l’ai échappé belle. Pendant quelques heures ou plusieurs, j’ai cru en être à la fin. Ma visite sur cette planète allait être interrompue. J’avais du mal à accepter cette éventualité puisque je n’avais toujours pas trouvé ma vraie place dans mon histoire. J’ai résisté en refusant de m’éteindre malgré le fait que je me sentais toujours la même étrangère débarquée le jour de ma naissance. Si ma tête enregistre et distribue des données, c’est sans doute parce que mon esprit déborde d’imagination.

 

Je nous revois. Nous étions treize à partager le même wagon, la queue du métro. Il semble toujours y avoir moins de voyageurs au bout du train. J’y étais parce que je n’aime pas la promiscuité des autres. Je m’isole dans mon coin dès que j’en ai la chance. Les autres sont des nuisances à mon besoin de silence, du temps pour m’écouter parler et penser. Je me souviens avoir baissé les yeux sur les aiguilles de ma montre.  Il était dix heures douze. Je voulais rentrer chez-moi.

 

Auteure : Kinage.

  

  Alice par Chat, choix de Kinage.

 

metro-montreal 

 

 

Tag(s) : #Le Voyage de Kinage
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