Des étranges insectes
Juchés sur des membres raides et colorés, ils avancent...
Lorsqu'on entend leur halètement discret dans une côte aride, on sait qu'ils arrivent,
ils vous dépasseront doucement sans vous voir, les yeux glauques et fixes regardant droit devant eux.
Qu'ont-ils donc à ne pas vous voir, vous qui les dévisagez avec un mélange de peur ou d'hostilité, ou d'admiration
devant leurs efforts qui vous semblent vains ? Qu'ont-ils donc de plus que vous ?
Oui, ils paraissent venir d'un autre monde et
pourtant ils vous ressembleraient presque... Ressembleraient ? Comment ai-je pu penser une telle horreur alors que leur image me donne la nausée ? Oh ! S'ils n'avaient pas cette tête difforme, en
pointe des deux côtés ! Si leur sueur, spécialement à cette époque estivale, si leur sueur donc ne brillait pas sur ce qui paraît des tempes héroïques et des jambes flasques imberbes ! Mâles et
femelles ils se suivent. Avant, seuls les mâles osaient s'aventurer dehors, mais maintenant...
Le bas de leur corps, si j'ose
dire, crisse sur les cailloux de la route et le moindre gravier volatile pourrait les jeter à terre en quelques secondes... Derrière le premier, un autre suit, et un autre, et un autre, comme des
chenilles en procession, je dirais en pèlerinage si j'osais les comparer à des pèlerins, à des humains...
Certains sont verts, d'autres rouges, d'autres jaunes, mais toujours avec cette tête affreuse, ces yeux glauques, ce
regard fuyant presque
hautin au croisement d'un virage. J'en ai vu rarement tomber; ils semblent indestructibles sur une route sèche,
ils avancent sans un grognement ni une expression amicale ; je dirais que mon chien leur donnerait des leçons de
courtoisie...
Mais qui sont-ils ? Et que font-ils ainsi alors que chacun d'entre nous souhaite se jeter sur le premier verre venu et
faire la sieste en cette saison ? Non, eux ils glissent sur les routes avec une souffrance contenue et placide ; mais ils ne s'arrêtent pas, ils ne vous voient pas,
vous n'existez pas...
On aurait envie de leur crier aux oreilles ; aux oreilles ? Comme s'ils avaient des oreilles cachées sous ces pointes difformes qui brillent au soleil ?
On aurait envie de leur crier que nous sommes là, que nous existons nous, que nous ne sommes pas indifférents à ce qui
se passe autour de nous, nous... Mais non, ils avancent en rampant sur leur membres circulaires qui crissent sur la route. Ils avancent, en haletant... Leurs jambes sont noueuses...
leurs bouches sont béantes...
De temps en temps, un d'entre eux sort quelque chose d'étrange de ses membres inférieurs et le porte à sa tête dont on
devine les yeux sous des carapace brillantes et translucides comme des miroirs. Ils grouillent davantage en juillet, on ne sait pourquoi. Peut-être pour la saison des reproductions ?
Bizarrement, au détours d'une montagne, ils se massent
sur eux-même et filent beaucoup plus rapidement dans la descente qui suit, comme s'ils pesaient deux ou trois fois moins leur poids par magie ; je n'ai jamais vraiment compris...
De temps à autre, on en aperçoit un différent, comme avant, je dirais, à l'ancienne, sans ces pointes difformes,, : un mutant, une
sorte de mutant, un franc-tireur. Il regarde derrière lui de la manière lorsqu'on fait un mauvais coup et qu'on a peur des gendarmes. Tiens donc !
Quelquefois, ils portent leur petit sur leur dos, un peu à l'exemple des kangourous mais à l'envers, et le petit possède déjà cette méchante tête aux bords pointus, quelle tristesse ! Il
n'y peut rien !
C'est surtout le dimanche ou les jours
fériés qu'ils sortent, un peu à la façon des escargots les jours de pluie. Ils ont du capter que les humains les laisseraient davantage aller ces jours-là, parce qu'ils sont plus détendus et que la messe adoucit les moeurs probablement.
S'ils se reproduisent trop, on les verra sortir la nuit à la pleine lune et on les chassera peut-être tels des loup-garous, je m'en réjouis d'avance. S'il y faut un permis et s'acheter un calibre 12, je serai dans les premiers et je demanderai à la mairie :
– Combien pour un permis de chasse ?
– Chasse à quoi ?
– Ben aux cyclistes, enfin !
Dominique
Illustrations cueillies sur Google Images :
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Pour la partie artistique, on peut voir un tableau de Kandinsky
et une oeuvre de Sophie Bouchet,
un Mondoshawan qui prête son gracieux concours à l'histoire, sorti du film Le cinquième élément de Luc Besson, - pour la partie sportive, une impressionnante collection de casques de cyclistes,
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pour la partie SVT, des insectes joliment colorés,
- une étonnante animation parfaitement de circonstance, trouvée sur www.forums.france2.com.