Daongdenglong gaogao gua !
Ce cri sonne encore comme un glas ...
Mais qu'est-ce dong qui m'arrive là ?
Je voudrais, sans parler le chinois,
exprimer mes effrois, mes émois !
C'est que pour me reposer, dans mon fauteuil et sous un plaid, l'autre soir (jeudi dernier), j'ai décidé de regarder Epouses et concubines, le film de Zang Yimou de 1991, tiré d'un roman de Su Tong, (film programmé sur France Ô).
Et je n'en ai pas perdu une miette, toute envie de dormir définitivement effacée, saisie par la beauté glacée, stylisée des scènes autant que par l'humanité muselée des personnages pourtant si vivants. Une Chine pas si loin de nous dans le temps, avant Mao mais dans les années 1900. La toute puissance du Maître, comme un Barbe bleue oriental, dont le visage n'est jamais montré (on ne le voit que de loin, ou, quand il s'exprime, c'est sur l'épouse en face de lui que se concentre la caméra).
J'avais déjà vu ce film mais totalement oublié (comment ai-je pu, c'est une splendeur) et je me réjouissais imprudemment, constatant que tout le film allait se rythmer selon les saisons, en commençant par l'été. Je formulais naïvement des voeux pour que la jeune Songlian, issue d'une famille trop pauvre pour qu'elle continue ses études, sorte d'une façon ou d'une autre, du piège où elle s'était elle-même enfermée en acceptant de devenir la quatrième épouse d'un riche seigneur quinquagénaire. Son intelligence et du détachement, même une dose de cynisme de sa part me faisaient penser qu'elle saurait bien tirer son épingle du jeu et je ressentais une certaine sympathie pour cette jeune fille sans approuver ses accès de méchanceté envers la domestique qui lui était attachée (mais la suite a montré qu'elle avait raison de se méfier, de presque tout le monde).
Je laisserai aux spécialistes le soin de souligner la qualité de l'érotisme particulier du film, plus symbolique que visuel (ce n'est pas Emmanuelle), je rapporterai juste mon étonnement devant la rupture dans les saisons, annoncées à l'écran : été puis automne puis hiver puis ... été suivant ! Eh non, pas de printemps pour Marnie, heu pour Songlian ... L'été suivant, c'est la cinquième épouse qui arrive ! Songlian est toujours là, sans avoir enfanté, ce qui lui aurait conféré un meilleur statut, mais pour la grande maisonnée et pour tous les domestiques, elle a sombré dans la folie. Trop seule, finalement aussi sensible que toute jeune fille ayant rêvé au prince charmant, n'ayant pas su monopoliser l'attention du maître, auquel elle n'était pas indifférente, tombée ensuite amoureuse au premier regard du grand fils de la première épouse sans que rien n'aille plus loin ; horrifiée par ce qu'elle a déclenché sans le vouloir, par ce à quoi elle a assisté en protestant de toutes ses forces sans succès.
Deux mortes au total, l'une tuée par abandon, l'autre assassinée dans la légalité, mais Songlian, elle, est sauve, à défaut d'être restée saine ... Pourtant, indécrottable optimiste que je suis, j'ai éteint mon poste en gardant une lueur d'espoir : Songlian a revêtu à nouveau des vêtements plus actuels, voire occidentaux, chemisier blanc jupe noire et, folle pour folle, je me suis mise à croire qu'elle pouvait s'adonner à une discipline artistique qui ne lui serait pas interdite et où elle s'épanouirait.
Envoûtant allumage des multiples lanternes rouges, comme doté d'un pouvoir magique sur tous les personnages comme sur
les spectateurs, comme l'aussi envoûtante cérémonie de leur extinction et leur recouvrement de toiles noires dans certaines circonstances ... Intense poésie des images d'un monde implacable
aujourd'hui disparu. Je regrette de ne pas pouvoir joindre d'illustrations sur l'affairement autour de l'allumage rituel de ces lanternes mais on peut écouter un air de l'opéra de Pékin dont les
sons évoquent bien certains sons du film, justement et je repense à la vieille masseuse tout en noir ...
Lenaïg
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pouses_et_concubines_%28film%29
entre autres !
Et images du net.