Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

salers-tourisme.fr/infolive/agenda/_bal.gifC'était maintenant devenu un évènement annuel : le petit bal rétro du 14 juillet à Vieillesouche en Terre, charmante localité de la France dite profonde, douillettement entourée de verdure, de rivières et de lacs. Josiane et son mari, tous deux en retraite, venaient de s'installer dans la commune, après avoir eu le coup de foudre pour une vieille bâtisse du cru, qu'ils comptaient retaper et aménager afin d'y recevoir enfants et petits-enfants pendant les vacances.

 

 L'une de leurs petites-filles était déjà là pour une semaine, avant de s'envoler vers d'autres cieux pour le reste de l'été. Géraldine était tout excitée à la perspective du bal, dont la réputation n'était plus à faire dans la région. Toutes les générations se rassemblaient à ce fameux bal et cette année, le thème était les années 60. Josiane et Géraldine s'étaient bien diverties : d'abord en se choisissant les tenues vestimentaires adéquates, jupe à carreaux Vichy, corsage à manches ballon et ballerines, couettes à la Sheila pour Géraldine, robe droite en soie imprimée, chignon postiche et escarpins pour Josiane ; ensuite elles avaient appris ou revu les mouvements du twist, les pas du madison et du rock. Géraldine, plus habituée aux teufs de son époque, trouvait cela "cool !" Grand-père Philippe assistait à ces répétitions à la fois amusé et méfiant. Il n'aimait plus danser, le bruit l'incommodait ; il avait prévenu : "Vous irez à ce bal sans moi !" mais il sentait bien que Josiane n'avait pas renoncé à le persuader.

 

 Soudain, alors que Josiane passait devant la chambre de Géraldine un soir, en fredonnant "La plus belle pour aller danser", ce fut "Love me tender" qu'elle capta, en se figeant. Une intense émotion l'envahit : ce garçon dont elle était amoureuse au lycée, avec qui elle avait tant espéré danser lors de la boum de fin d'année … ce garçon en avait invité une autre sur ce slow d'Elvis et sur tous les autres après. Elle s'était enfuie, torturée par le chagrin, en avait pleuré toute la nuit, ou presque. Elle avait tout à fait occulté ce poignant souvenir et le voilà qui la reprenait à la gorge ! Elle haïssait cette chanson !

 

 Elle se secoua, se rappela que ce n'était plus elle qui avait seize ans, éprouva le besoin de rejoindre Philippe au jardin. L'entourant par surprise de ses bras, submergée par la tendresse, alors qu'il était en train de regarder ses tomates cerise pousser, elle lui déclara : "Tu sais, en fait, je n'irai pas non plus au bal, finalement, je préfère rester avec toi !" Philippe, ému, garda le silence mais, au dîner, il annonça à Josiane et Géraldine médusées :"Bon, les filles, je ne vais pas continuer à jouer les vieux barbons, je vous accompagne à ce bal, histoire de voir de quoi il retourne, mais je ne veux pas m'y éterniser. J'ai envie de vous admirer dans vos jolies robes aussi !"

 

 Ce qui fut dit fut fait. Josiane et Philippe, pris par l'ambiance, effectuèrent un madison en règle et même un rock avant de quitter les lieux des festivités bras dessus bras dessous, laissant Géraldine en conversation animée avec les jeunes du village, dont un grand escogriffe qui semblait bien lui plaire. Auparavant, Grand-père avait juste indiqué à sa petite-fille : "j'aimerais que tu ne t'attardes pas jusqu'à la fin, choupette. On sait que l'alcool, ou je ne sais quoi aidant, l'atmosphère finit par se gâter. En cas de problème, tu nous appelles. Sinon, fais-toi raccompagner jusqu'ici. Promis !"

 

 Au petit déjeuner, Josiane et Philippe commentaient le fameux événement annuel, favorablement impressionnés par la qualité de l'orchestre et la jovialité de l'ensemble. Géraldine finit par faire surface, traînant les mules, dans son pyjama short. Grand-père risqua une petite remarque : "Alors, tu as fait une touche ? Y avait un grand gaillard avec qui tu discutais sec quand nous sommes partis !" Géraldine s'assombrit quelques secondes en même temps qu'elle grommelait : "Ah, celui-là … nul, sans intérêt ! Au premier slow, "Love me tender", il a invité la fille de l'épicière et je ne l'ai plus revu ! Mais j'aime bien Justin, le fils de vos voisins ; c'est lui qui m'a raccompagné ; je pense qu'on va se revoir."

Josiane dissimula le choc que la brève confession de sa petite-fille lui apportait et, bizarrement rayonnante, s'écria : "Ah ah ! Et il est bien mignon ce Justin !" Géraldine, au lieu de rougir comme elle-même aurait fait, haussa légèrement les épaules et , devant l'air réjoui de sa grand-mère, éclata de rire.

 

Géraldine avait pris l'avion en destination d'un chantier de fouilles en Grèce. En l'attente d'autres visiteurs qui débarqueraient bientôt, avec Philippe, Josiane continua à rendre la demeure aussi accueillante que possible avant les grands travaux de septembre.

Elle rassembla les CD des Sixties ; sur une vive impulsion, elle saisit celui des tubes de Presley, le fourra dans son sac et sortit faire des courses. Les Chaussettes Noires, les Surf, Sylvie, Françoise et compagnie eurent la vie sauve mais, en passant, elle jeta Elvis dans un conteneur à ordures.

 

Lenaïg

***

 

Nouveau jeu : le texte sandwich !!!

Première phrase : C'était maintenant devenu un évènement annuel.

dernière phrase : Elle jeta Elvis dans un conteneur à ordures.

Ces phrases sont les première et dernière de Millénium 1 de Stieg Larson, à vous d'en faire votre propre histoire...

Amicalement vôtre

Marc

Forum Plumes au vent.

 

 

 

Image : salers-tourisme.fr/infolive/agenda/_bal.gif

Tag(s) : #Nouvelles - Lenaïg - A la ville - à la campagne
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :