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Pour page Attaque invisible 3, Rahar - www.routard.com

 

 

   Il venait à peine de s’assoupir, quand une lourde masse s’abattit sur lui, l’oppressant à la limite du supportable. Réveillé en sursaut, cherchant désespérément de l’air comme un poisson hors de l’eau, il tâtonna fébrilement pour retrouver sa torche de sa main gauche, alors qu’elle était à sa droite. Il essaya de repousser l’intrus, une ombre indécise, qui lui soufflait à la face une haleine fétide. En se débattant comme un forcené, son coude heurta la lampe qui roula. Une mâchoire baveuse chercha son cou, mais comme Jean se tortillait, les crocs acérés ne se plantèrent que dans on épaule.
  
   Malgré sa lassitude, il espérait ne pas sombrer dans les bras de Morphée. D’ailleurs, ses blessures l’élançaient et l’empêcheraient de même somnoler. Normalement, il pourrait supporter une nuit de veille. Il prit la résolution de rejoindre au plus vite la civilisation dès le lendemain. Il fallait une forte expédition comme le faisaient les orpailleurs, pour explorer cette contrée, et un hélicoptère ne serait pas un luxe pour rapatrier les hommes avant la nuit.
   Kean passa le temps à griffonner nerveusement dans son carnet, couchant ses impressions, formulant diverses théories, jetant des hypothèses et accumulant les interrogations. Vers une heure du matin, il perçut deux yeux de braise à travers les branchages. Il ne put s’empêcher d’avoir la chair de poule. Mais il se raisonna et se persuada que c’était certainement un félin curieux. N’empêche, sa main tremblait et le crayon faillit lui échapper.

 

   Aux environs de quatre heures, il se rendit compte avec effroi que la luminosité avait notablement diminué. L’aube était encore loin. Il n’était pas envisageable de faire du feu : l’exiguïté de l’abri ferait qu’il serait enfumé comme un hareng, et d’autre part, il devrait sortir pour trouver du bois, pas question de sacrifier la « porte ».
   Ce qu’il craignait arriva. Un souffle froid s’insinua dans la niche, et pourtant les rares feuilles des branchages de l’entrée n’avaient pas frémi. Les courts cheveux de Jean se hérissèrent, le crayon tomba par terre, ainsi que le calepin. Par pur réflexe conditionné, le globe trotteur ramassa machinalement le carnet et le glissa dans la poche de son jean. Un tremblement incoercible secoua le solide garçon. Il saisit la torche et balaya frénétiquement la petite caverne. Il crut entendre un couinement plaintif, mais c’était tellement ténu qu’il ne put se décider si le gémissement avait été réel. Un léger frôlement le fit sursauter. Il était tellement tendu qu’une névrose n’était pas à écarter. Il ne voyait rien, mais était conscient que « quelque chose » était là, avec lui.

 

   Un coup de griffe invisible qui entailla son jean et lacéra profondément sa jambe le convainquit qu’il n’était pas en train d’halluciner. Perdant toute dignité, il brailla sa terreur et se rua tête baissée vers la sortie, bousculant et éparpillant comme fétus les branchages. Heureusement, la lune, bien que loin d’être pleine, dispensait parcimonieusement une clarté qui évitait quand même de se casser la gueule. Piètre consolation, Jean se rendit compte, d’après l’effluve infect porté par le vent, que le monstre invisible le suivait.
   Jean était un sportif accompli, il avait du souffle. Par bonheur, le terrain n’était pas accidenté et les arbres de cette zone n’étaient pas trop serrés. Le professeur ne se souciait plus de la direction à suivre, il se contentait de fuir et essayer de distancer cette monstruosité. Mais fatalement, la configuration du terrain changea et il ne put plus soutenir son rythme. Le murmure rageur de son poursuivant l’atteignit et sa terreur monta d’un autre cran.
   Et ce fut le coup du sort. Jean trébucha sur une racine traîtresse et s’étala de tout son long. Sa terreur fut à son comble quand il se sentit saisi par les jambes. Il se cramponna à la maudite racine et sentit des griffes acérées lacérer profondément ses mollets. La force du désespoir et une montée d’adrénaline lui permirent de se dérober d’une puissante traction, en dépit de l’atroce douleur. D’un bond, il se redressa et reprit vaillamment sa course, bien que souffrant le martyre.

 

   Ne pouvant sortir du Mato Verde sans instruments, le seul espoir de Jean était de tomber sur un camp d’orpailleurs. Mais il risquait de n’y trouver personne avant le jour, ces gens ne se risqueraient pas dans la zone avant l’aube. Il n’eut d’autre recours que de courir sans but, s’efforçant seulement de maintenir la distance entre lui et son poursuivant.
   Il faut croire que le monstre ne connaissait pas la fatigue. Jean se rendit compte que l’entité se rapprochait. Il semblait tout de même que celui-ci ne pouvait pas traverser le tronc des arbres et devait donc suivre les zigzags de sa proie. L’homme s’était bien retourné une fois, mais il n’avait rien vu, rien entendu, sauf un très léger murmure grondant et évidemment l’odeur écoeurante quand il allait avec le vent.

   L’aube commençait à peine à blanchir l’horizon et Jean soufflait comme un phoque. Le désespoir le submergea. Les orpailleurs n’arriveront probablement que vers les sept heures. Il rejoindra certainement l’effectif des victimes du Mato Verde. Mais il se reprit : tant qu’il y avait de la vie… et il était un battant.

 

   Il gravissait un talus, quand des griffes accrochèrent l’un de ses rangers, et il chut sans grâce, le nez dans l’herbe humide de rosée. Une masse s’abattit sur son dos, essayant de l’immobiliser. En tentant un coup de tête arrière, Jean sentit son crâne buter contre quelque chose de mou et d’élastique ; c’était comme s’il avait cogné contre une balle de caoutchouc irrégulière. Un grognement inarticulé lui répondit, puis il sentit que des griffes puissantes labouraient son dos. Hurlant, tant de douleur que de terreur, il essaya de se tortiller pour se dégager. En vain, le monstre pesait de tout son poids. Dans un éclair de lucidité, Jean agrippa son APN qu’il avait mis en bandoulière, le tourna au pif vers son adversaire et appuya sur le déclencheur. Un flash aveuglant le débarrassa immédiatement de l’intolérable pression et il entendit un gémissement plaintif allant en s’éloignant. Profitant de ce moment de répit, il se releva en serrant les dents et essaya de progresser malgré ses blessures. Chaque pas était une torture et il laissait derrière lui un sillage de sang.

 

   L’aube naissante blanchissait à peine la canopée au loin. La pénombre régnait encore dans le sous-bois et Jean voyait à peine où il marchait. Brusquement, le sol se déroba sous lui et il roula tel un pantin désarticulé. Il s’arrêta, moulu, au fond d’un large bassin d’érosion ; pas loin, un bras de fleuve coulait paresseusement. Il était tombé sur un site d’exploitation aurifère ; il distingua la petite baraque d’un générateur-compresseur et divers outils éparpillés. Mais d’orpailleur, point : il était encore trop tôt. Un souffle de vent lui annonça l’arrivée de son poursuivant.
  
   Les orpailleurs furent frappés de stupeur en voyant cet étranger gisant en plein milieu de leur site d’exploitation. Le début de rage fut stoppé net quand ils constatèrent l’état pitoyable de l’individu ensanglanté. C’était absolument unique que quelqu’un qui avait passé seul la nuit ici fût retrouvé encore vivant. Les avis furent d’abord divergents sur la conduite à tenir. Néanmoins, la plupart de ces rudes gaillards n’étaient pas mauvais bougres et il fut donc décidé de ramener dare-dare l’infortuné blessé, d’autant que celui-ci avait réussi à murmurer avant de sombrer dans le coaltar qu’il avait des devises planquées dans la tige de ses rangers. Tous se résolurent alors à sacrifier quelques heures de cette journée pour porter secours à l’étranger, lequel arriva à l’hôpital délesté de son liquide ; il ne lui restait que sa carte Visa.
  
   Un accident bête m’avait fait frôler ce vortex fortuit, et il m’avait projeté dans cette dimension. En me référant à la décompte locale du temps, je suis arrivé ici il y a un peu moins d’un millier d’années. Ce monde est absolument insolite. Un globe lumineux qui se déplace pompe mon énergie et je dois m’abriter jusqu’à ce que son cycle se termine ; les créatures évoluées ici appellent ce cycle « jour ». Pour me régénérer, je n’ai d’autre recours que de voler l’énergie vitale des êtres vivants locaux. Je suis un naufragé, puisque je ne peux pas m’en retourner en retraversant le vortex, et j’ai bien essayé plusieurs fois sans succès. La puissante anomalie magnétique perturbe mon organisme et je dois donc sortir de cette région. Cependant, si je veux intégrer ce monde, je dois paraître comme les autochtones pour survivre. J’ai essayé d’intégrer un être humain, mais son degré d’intelligence et d’instruction ne me donne que très peu d’atouts pour m’en sortir sans problème dans cette civilisation.
 

 

  Ce Jean Nébavet a été ma chance : intelligent, instruit et cultivé, sa personnalité me permettra de m’en sortir aisément dans le monde. Mais le bougre se défend bien, c’est un esprit fort. J’ai dû me résoudre à l’affaiblir, tant mentalement que physiquement. Je me suis bien gardé de ne pas le blesser mortellement. Je sais par mes contacts mentaux que ces humains savaient se guérir dans leurs hôpitaux. Insensiblement, j’ai conduit sa course vers un camp de chercheurs d’or pour que le corps de mon futur hôte soit trouvé et traité. Il m’a un peu décontenancé avec son appareil à éclairs lumineux, mais je l’ai finalement rejoint, avant que la boule lumineuse ne se lève.

 

   La morphine administrée par le docteur m’a permis d’expulser totalement l’âme affaiblie de Jean Nébovet. La période de convalescence me permettra de bien maîtriser ce corps qui abritera mon essence, jusqu’à ce que puisse en changer dans quelques dizaines d’années.

 


 

RAHAR

 

 

 

Pour page Attaque invisible 3, Rahar - SGGoauldHuman

 

 

 

Photos du net : forêt vierge (trouvée sur site www;routard.com) et photo archive de la série SG1 Stargate.

 

 

 

 

Tag(s) : #Les nouvelles de Rahar
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