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Cunégonde reprend ses esprits
et affronte une furie jalouse
Sans l’intervention musclée du célèbre baron P de la C de la B, Cunégonde ne serait plus de ce monde. In extrémis, c’est lui qui délogea le corps bleui de Cunégonde coincée sous les deux grosses baleines mortes de rire devant leur propre devanture démesurée. Ahuri, Courtecuisse se précipita pour lui faire le bouche à bouche, mais le bon docteur alerté par la Darling, le repoussa de peur qu’il ne fasse trépasser davantage la mourante en ajoutant des vapeurs d’alcool dans ses poumons.
Les deux éléphantes se relevèrent confuses d’avoir failli écraser comme une crêpe, la frêle cousine démunie sans son parapluie ni sa besace. Monsieur Poissard lança un regard assassin à sa libellule dinosaurienne et Courtecuisse hoqueta à la sienne : « Que…qué…hic, on faisait que des …hic zaffair…hic ! » Puis Frappe-qu’un-Coup le prit dans ses bras et le transporta jusqu’à son lit. Il tomba comme une roche au fond d’une rivière de vin corsé.
Il fut décidé à l’unanimité que madame
Courtecuisse dormirait chez Ti-Louis pour éviter d’autres malheurs. Sucedebout voulait appeler le curé pour qu’on donne l’extrême onction à la cousine québécoise quand celle-ci reprit des
couleurs sans être encore dépaquetée.
« Sont z’où les deux craquepottes que j’les tuse ! » Mais elle retomba aussitôt dans un état comateux gorgé de petit rouge du Languedoc.
Rouge de colère, Djosette tenait sa dent décollée entre ses doigts, « Tu sens l’fond d’tonne Tsunégonde ! », lança t’elle dépitée d’avoir perdu l’attention du baron. Madame Poissard fila à l’anglaise, suivie par le bon docteur, sous prétexte qu’elle avait du pain sur la planche et lui d’autres chats à fouetter. C’est donc le bon cousin Poissard et monsieur le baron qui veilleraient au corps et au bien de Cunégonde jusqu’au petit matin. Darling et l’autre cousine québécoise suivirent la ténébreuse Sucedebout qui leur offrit un gîte pour la nuit. Poissard mis la clé dans la porte du bistrot et tourna l’affiche vers dehors : Fermé.
Les deux évincées ruminaient une vengeance. Elles complotèrent pour éliminer Cunégonde de leur escapade en France. La fin justifie les moyens. Leur plan établi, elles agiraient au moment propice pour se débarrasser de Cunégonde, cette plaie d’Égypte selon les dires de Djosette. Sur ces plans diaboliques, elles s’endormirent la conscience légère jusqu’au chant de Sarko, le coq de Courtecuisse qui servait de réveille-matin dans ce patelin.
Penaudes à l’heure des poules, les deux plus imposantes commerçantes de Ganges vinrent s’enquérir du sort
de leur victime par accident. Madame Poissard avait préparé un thermos de café et des brioches pour requinquer la mourante et madame Courtecuisse traînait un panier de fruits frais, cueillis au
jardin de Ti-Louis. Elles trouvèrent Poissard endormi sur la table du bar, mais point de baron. Coup de tonnerre ! Cunégonde et Courtecuisse enlacés au milieu du lit
conjugal ronflant comme deux vieux moteurs diesels.
Livide, l’épouse de Courtecuisse eut peine à ne pas s’évanouir sous le coup de la colère. Son Courtecuisse qui tirait à blanc depuis plus de quinze ans et qui lui refusait ses avances depuis autant de temps, non et re-non ! Le panier et les fruits revolèrent partout. La poufiasse québécoise lui volait son honneur de femme.
-Sors de mon lit maquerelle de Judas ! Toi, Courtecuisse ! Me faire ça à moi ! Guignol de fond de poubelle, je vais te hacher comme du petit tabac de gauloise ! Putain ! Non !
Courtecuisse se réveilla sous le coup du panier reçu sur la tête et se crut
comme autrefois à l’entraînement pendant son service militaire. Il se réfugia sous son lit pour reprendre ses esprits quand monsieur Poissard accourut sur les lieux avant qu’un meurtre ne soit
commis, en levant les bras vers le ciel, il s’écria :
« Mais quels raboussiers vous faites ici ! Personne n’est coquiole dans cette oustalet mam’ Courtecuisse, reprenez vos sens, bout de vigne du Languedoc ! Voyez bien que ces deux ivrognes cuvaient les douze bouteilles de Serres-Mazard servies hier.»
Et la robuste moitié et demie de Poissard de renchérir : « Mon mec à moi il a raison Cuicui. Donne-moi un coup de main, on va les dégriser tous les deux. Va chercher la bassine d’eau glacée et des torchons. »
Madame Courtecuisse dut admettre que son homme ne pouvait plus courir la galipote depuis belle lurette. Son affaire n’avait que la position caduque peu importe les grands moyens. Elle ramassa tous les fruits éparpillés dans la chambre conjugale et dit à son homme qu’il pouvait sortir de dessous leur lit sans la craindre.
« Dépêche-toi vieux fou ! Un gros café noir et à la douche. Je vais aider mam’ Cunégonde à se remettre sur le
piton. Si c’est Dieu possible d’agir comme des adolescents en vadrouille ! »
Sur ces mots, la gang à Poissard rentrait dans le bistrot de Courtecuisse en gueulant : « C’est l’heure des boules ! C’est l’heure des boules ! Aujourd'hui , on va faire le concours de pétanques à St-Julien … Euh ! Poissard, où donc aura lieu le dernier tournoi de la saison ?
La journée commençait bien. Chaude-Oreille sortit son fifre de sa poche et se mit à jouer un air de Didier Super et Frappe-Qu’un-Coup chanta à tue-tête pendant que la bande riait aux larmes en se tapant dans les mains. Et les femmes jacassaient tout en se faisant belles pour applaudir les héros de la boule à Ganges. Cunégonde promit de ne pas boire une goutte de vin sinon un doigt de Baby Duck.
A suivre
Marie Louve
Illustrations :
* En marge de ces affrontements éléphantesques :
- trompes entrelacées : clic !
- éléphantes baleines : clic !
- panneau de traversée pour un éléphant : clic !
* Pour nous remettre de nos émotions :
- des litres de thermos,
-
un appétissant panier de fruits, que nous ne laisserons pas gaspiller en projectiles cette
fois,
oeuvre de Madeleine Le Tallec : clic !
Lenaïg