De : paolotekila @ ca.com
Envoyé : novembre 2010
À : Tugdual - t.kerloch @
hotdog.com
Sujet : Confidences
Je désire te faire part de mon témoignage sur la chose étrange dont je fus le témoin bien malgré moi. Je suis
d’avis que les hommes doivent se soutenir entre eux et tout comme les femmes se faire des confidences sur leurs histoires d’amour et en dernier je te demande un conseil important.
Comme tu sais, le docteur Toctoc me poursuit de ses avances depuis que nous nous sommes rencontrés à la
grande soirée chez Luigi Paper. Depuis, Toctoc me harcèle par courriel, par messagerie, au téléphone, toujours dans le but de me rencontrer de nouveau. J’aime les femmes faibles de corps mais
fortes de tête, j’aime celles qui ont de la suite dans les idées et qui ne s’arrêtent pas à la moindre petite contrariété. J’aurais dû me méfier de ma libido et résister à sa dernière invitation
à diner, mais la chair est faible, tu comprends ?
Quand je me suis rendue chez elle en passant près du Cours Michel Houellebecq, un homme assis sur un banc m’a
paru étrange..Il tenait une petite valise dans une main et un livre dans l’autre. Je sentais son regard me suivre, comme s’il n’avait encore jamais vu un homme.
À l’heure convenue je sonne à la porte du doc Toctoc. Elle m’accueille gentiment et me demande de l’attendre
quelques minutes dans le salon en m’offrant un verre de pina colada car une urgente consultation virtuelle psychiatrique venait d’arriver par courriel.
Je marchais dans le salon mais n’étant pas patient de nature, j’allais partir au bout de 15 minutes, quand j’ai trébuché
sur une carpette. En me relevant, j’ai remarqué derrière un meuble des photos où Toctoc était en compagnie de Wilfrid, l’oncle de mademoiselle Charlotte, ta fiancée. J’étais estomaqué. Elle est
revenue me chercher et je l’ai suivie à la salle à diner où une magnifique table bien apprêtée nous attendait. Nous discutions gentiment au début, quand soudain, je l’ai vue faire, elle a
renversé du vin rouge sur ma chemise blanche et pendant que je constatais le dégât, elle a échappé un plat de sauce sur mes pantalons. Me voila torse nu, plus de pantalon pour me
couvrir.
C’est alors qu’elle m’apprit que tous les jours nous perdons des morceaux de peau et que des centaines
d’acariens vivent dans les matelas et s’alimentent de celle-ci. Pour ajouter à l’horreur, elle me dit que les acariens ont droit à la vie, qu’ils sont des vidangeurs de peau morte, comme les
homards sont vidangeurs de la mer, les vautours et les hyènes vidangeurs de la terre. Tu comprends, ce fut la grande débandade.
J’ai horreur des bestioles. Avec mon canif suisse, j’éventre le matelas et les oreillers d’où revolent des
plumes se collant à la sauce et à la sueur de ma peur sur ma peau. Les plumes volaient comme s’il y avait du vent et se collaient à moi. Pour ajouter au pire, Toctoc m’avoua qu’elle était membre
de la SPI (Société protectrice des insectes). Elle me disait de les laisser vivre. C’en était trop ! Je fais de l’entomophobie, tu comprends ? Les insectes sont les auteurs de cette maladie
phobique et j’en souffre.
Je sors de chez elle en courant, je coure comme un fou et je m’arrête quand je vois devant moi Gaspard et
Frizapla qui ne jappaient pas, trop surpris de me voir ainsi. J’étais exactement là où je passais plus tôt en allant chez Toctoc, près du Cours Michel Houellebeck, non loin du grand escalier qui
conduit au port. Soudain, nous avons entendu un grand cri, un cri de mort. Quelque chose de louche c’est passé là. J’ai senti enfler mes testicules et c’est là que j’ai constaté que j’étais nu et
que j’avais l’air d’un canard géant avec toutes les plumes qui s’étaient collées et je me déplumais peu à peu.
À mon arrivée, Madame Tarataplan sortit voir ce qui se passait. Quand elle m’a vu nu sous les plumes, elle a
signalé le numéro de la police mais aussitôt l’ambulance arriva, avec au volant, Toc Toc elle-même. Et par sa faute, me voilà encore dans de beaux draps à l’hôpital de Santa Maïs où vivent dans
les matelas des milliers d’acariens affamés de ma peau. En ce moment je suis entre ses mains à l’hôpital mais non pas entre ses bras. Aurais-tu des conseils à me donner pour trouver le goût de
vivre avec ces insectes microscopiques ? Ou, crois-tu qu’elle devrait démissionner de la SPI pour me plaire. De toute façon, je ne veux plus la revoir.
Paolo Tekila
Di
Illustrations :
- Banc : www.farm1.static.flickr.com
- Acariens : par Jul, www.larousse.fr
- Plumes d'oreiller : www.floraxia.com