De : juliette.destroimaison @ fallballmail.com
Envoyé : 14/12/2010 06:12:38
A : georgett007 @ coolmail.fr
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Très chère belle-sœur,
Me voici dès l’aurore, pour t’offrir mon éternelle reconnaissance quant au rôle majeur que tu as su jouer auprès de ma bourrique de frère. Ce frère prétentieux et entêté, capable de se transformer en gentleman à sa convenance, aura appris grâce à ton énergique santé de fer l’art d’aimer. Tu auras réussi, là où de tout temps, ma défunte mère a échoué pour enfin lui faire entendre raison. En cela, sache que tu auras mon entière collaboration et toute ma sincère complicité dans cette lutte que nous mènerons ensemble pour qu’enfin, mon cher petit Willy s’engage sur le droit chemin.
Tu n’es sans doute pas sans ignorer que dès l’enfance, ma mère avait dû se résoudre à traîner par la force, son Wilfrid à notre bon docteur de famille, le célèbre pédiatre pour toute bonne mère de famille soucieuse de la santé de leurs rejetons. Je parle bien sûr du docteur Dieudonné Malenfant. Celui-ci avait prescrit une forte dose de Ritalin pour calmer l’hyperactivité sévère de Willy, mais ce chenapan crachait en cachette son médicament, tant et si bien que ma mère fut contrainte de manger à la poignée des comprimés de Valium. La pauvre en est morte. C’est ainsi que je me suis retrouvée orpheline ayant charge d’éduquer cette bourrique. Dieu soit loué, tu es enfin là !
Pour l’instant, c’est mon illuminée de Charlotte qui me pose les plus grands tourments. Comme tu le sais déjà, ma dévouée et fidèle amie d’enfance, Valence Cienne, ayant appris que mon ingrat de frère refusait de m’héberger dans son appartement, cette dernière m’a invitée à partager le cinquième étage du 101 de la Mazurka. Son loft privé. Je jouis d’une vue imprenable sur le Miroboland. Plus, je peux faire du point de croix tous les après-midis dans la verrière donnant sur le côté sud de l’immeuble. Ces précieux moments de détente me permettent la méditation contemplative nécessaire à mes principes religieux. J’aspire à la bonté et à la générosité envers tous mes semblables. Jamais je ne les oublie dans mes prières.
Je suis très inquiétée par ma Charlotte qui pire est, n’est pas encore mariée devant Dieu et les hommes, s’est mise en tête de vouloir un bébé avec ce pauvre Monsieur Tugdual qu’elle semble avoir ensorcelé. C’est un homme charmant. Il ne mérite pas les mauvais traitements que ma fille lui fait subir. Pas plus tard qu’hier, à peine rentré de son travail, elle lui a imposé de descendre trois étages de l’immeuble avec un énorme faux cocotier que je soupçonnerais bien être sorti tout droit de l’enfer puisqu’il s’agit du cocotier offert à la Lolita de Popotin Story par le mafieux Luigi Paper. Sans l’aide de Monsieur Taratatapian, mon futur gendre risquait un tour de rein ou une chute fatale. Tout ça parce que la belle Charlotte ne pouvait dire non à Lolita qui lui donnait ce cocotier poussiéreux. En conséquence, mon gendre et le gardien de l’immeuble se virent dans l’obligation d’aller dehors sur le stationnement pour passer au boyau d’arrosage ce vulgaire objet de pacotille.
Là, le pire n’est pas encore advenu ! Figure-toi donc que ma petite sotte a fait de ce cocotier un arbre de Noël !!! Tu imagines la crèche de Noël sous un cocotier ? Mon gendre fera une syncope quand il apercevra la facture des décorations achetées à la Confiserie Languedoc. Des guirlandes de dragées aux parfums des mille et une nuits, des coupelles d’Ange, des pâtes de fruits en papillotes, des pommes d’or en chocolat de toutes les couleurs, des bouchées à l’alcool emballées dans des feuilles de lotus, des ballotins, un train Expresse en pain d’épices et quoi donc encore ? Ma mémoire ploie sous le poids du prix aperçu sur sa table de cuisine. Jamais, je n’aurais fait une telle folie à son père du temps de son vivant. Cette fille doit ressembler à mon frère Wilfrid. Ce sont deux pareils. Des têtes de linottes. Bien sûr que je fais moi-même quelques dépenses qui parfois peuvent paraître extravagantes comme l’achat de ma superbe robe inspiration burka bleue paon. Mais on parle d’une création originale du grand et talentueux Stevy. Et par surcroît, ce modèle sera tout confort à mon retour à Sainte-Frigide-Sur-Mer. Le vent glacial de ces lieux me permet cette fantaisie. Quoique, j’ajoute que Stevy nous fait payer cher son talent. Enfin, par bonté, j’ai voulu encourager ce nouveau talent.
Sur ces derniers mots, ma très chère confidente, mon amie, ma bonne Georgette, j’ai hâte de te retrouver ici parmi nous.
Transmets mes salutations à mon frère si son humeur convient,
Ta dévouée belle-sœur,
Juliette
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Marie-Louve