« Tu ne t’attendais pas à ce genre de butin, hein, mon cher Klaus Santha.
— Mais qui êtes-vous donc ? Et comment connaissez-vous mon nom ?
— Bah, je pourrais te dire que j’ai regardé ta carte d’identité… Ah oui ! Tu n’en portes pas, au cas où tu te ferais prendre… Au fait, on m’appelle Noël.
— Comment savez-vous ce que je fais ?
— Oh, je sais des tas de choses… mais te rends-tu compte de tout le mal que tu as fait ? Non content de délester les gens aisés, tu t’en es pris aussi aux faibles.
— Bof, je n’y ai jamais pensé, je n’ai pas fait de discrimination…
— C’est vrai, tu ne ressentais que le plaisir de l’acte. Mais as-tu conscience du destin tragique de certains de tes victimes ?
— Bon, qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse ? Ce qui est fait est fait.
— Alors, tu n’éprouves pas de regret ?
— D’accord, je regrette, j’aurais dû mieux maîtriser mes pulsions. Vous êtes content là ?
— Bien, bien, c’est un bon début de reconnaître ses fautes. Mais il faut réparer maintenant.
— Ah ouais ? Comment voulez-vous que je me rappelle toutes mes victimes ?
— Ce n’est pas nécessaire. Ton activité future ne sera pas de tout repos, crois-moi. Tu devrais t’en douter en voyant le contenu de la mallette.
— Tiens, c’est vrai ! Que veut donc dire ce… bonnet rouge ?
— Allons, allons, tu sais bien que c’est un accessoire important de ton futur costume. Tu es mon successeur.
— Quoi ! Vous ne voulez pas dire… C’est grotesque !... Et puis, je ne sais pas comment faire.
— Mais si ! Tu le sauras d’instinct. Debout ! Tu dois te préparer pour la première de tes plus longues et éreintantes nuits de l’année… Tu veux garder ton nom ou bien prendre le mien ?
— Mais… Combien de fois dois-je jouer au père Noël ?
— Tu ne joueras pas, tu seras ! Tu vivras bien jusqu’à cent ans ; après on verra. Estimes-toi heureux de ne trimer qu’une fois par an… Allez, les enfants attendent leurs jouets, et n’oublie pas, un petit miracle par ci, un petit miracle par là.
— Admettons, et mon costume alors ?
— Il est dans la mallette… Tu es sceptique ? Celui de Flash tient dans sa bague, pourquoi ton costume ne tiendrait pas dans un attaché-case ? Ah, ton traîneau est en-dehors de la ville, il n’est évidemment visible que pour nous, tu as juste le temps de le rejoindre… Et sois gentil avec les rennes, sinon tu seras tellement secoué que tu n’auras pas assez de la prochaine année pour récupérer des courbatures… Je ne te souhaite pas un joyeux Noël, ce serait désobligeant.
— Donc le reste du temps je vivrai normalement ?
— Bien sûr. Mais attention, ne penses plus à ton dada : tu seras parkinsonien… hum, suite à ton petit accident, tu trembleras tellement que tu seras pris au premier essai.
— Mais je vais m’ennuyer à mourir !
— Bah, tente un autre hobby, je ne sais pas, moi… La randonnée par exemple, la beauté du paysage élèvera ton esprit. Et pourquoi pas t’occuper de tes petits-enfants ; ce ne sera pas une sinécure, crois-moi, ces diablotins sont tellement épuisants.
— Et vous, qu’est-ce que vous avez fait ?
— Moi ? Oh, j’avais été un don Juan briseur de cœurs et de ménages… Maintenant, je peux me reposer définitivement, après presque un demi-siècle d’expiation.
— Alors qu’allez-vous faire ?
— Mais comme je te l’ai dit : je vais rejoindre l’éternité. Mon corps ne tient que jusqu’à la découverte de mon successeur… Allez, bonne expiation, Santha Klaus… ou nouveau Père Noël !
Fin
RAHAR