/image%2F0750097%2F20180511%2Fob_01de0d_10399113-100364633309727-5082100-n.jpg)
La nuit est tombée lorsqu'ils aperçoivent les premières maisons de Bouliac. Pas une âme qui vive dans les rues. Le village paraît désert. Une odeur de mort parcourt l'horizon. Jean accélère le pas, pressé de regagner son domicile situé en dehors du Bourg. Bientôt, Benoît entrevoit une immense propriété, au portail majestueux dont chaque côté est orné d'une statue de pierre représentant un lion rugissant.
– Le château de Tréguierre. C'est le domaine des De Laville. Un de mes lointains cousins féru de généalogie avait fait des recherches sur notre famille. Eh bien, tu ne me croiras pas mais il paraît que ce château lui appartenait. La dernière habitante de lieux était la comtesse Anne De Maison, décapitée pendant la Révolution. Les Laville, devenus par la suite les De Laville, s'en seraient alors emparé. Et, les De Maison ont perdu leur titre pour devenir les Demaison. Tu m'imagines en châtelain ?
Puis, d'une voix froide et emplie de colère, il déclare : « Profite de ton statut, Philippe De Laville, tu n'en as plus pour très longtemps. Je me chargerai personnellement de toi ».
Les voilà bientôt arrivés à destination. Une ferme avec une étable attenante s'élève au milieu d'une cour. Une lanterne, au-dessus de la porte d'entrée, éclaire un chemin empierré et boueux. Soudain, la porte s'ouvre et une jeune femme apparaît. Elle est petite et fluette. Sa lourde chevelure sombre est retenue par un ruban ? Elle scrute l'obscurité. Ses grands yeux noirs reflètent de l'anxiété.
– Enfin, Jean, te voilà. J'étais morte d'inquiétude. José Puga est passé tout à l'heure. Il te cherchait. Il paraît que les partisans de Puyrémaud ont été attaqués par la Milice. Certains ont été tués, d'autres faits prisonniers. Il craignait que tu ne sois parmi eux. Il doit revenir dans un petit moment.
– Je sais tout ça, Marie. J'ai échappé à la mort grâce à cet homme.
Marie, sa grand-mère, quelle émotion il ressent alors quand elle le serre dans ses bras pour le remercier.
– Bon, poursuit Jean. Il faut agir vite à présent. Nos vies sont en danger. Entrons et je vais vous exposer ce que nous devons faire.
La pièce principale est sommairement meublée d'une longue table en bois massif flanquée de deux bancs. Un vaisselier lui fait face. A côté, un évier taillé à même la pierre est surmonté de pots en faïence rangés sur une étagère. Près du cantou qui dispense une douce chaleur, deux fauteuils sont alignés. Sur l'un d'eux, une jeune fille est assise. Elle tient dans ses bras un petit garçon d'environ quatre ou cinq ans.
– Elisabeth, ma sœur dite Mamette et Michel, mon fils, présente Jean à Benoît. Ce dernier n'en revient pas, Mamette sa grande-tante et son père se tiennent devant lui, surpris de l'intrusion de cet inconnu.
– Marie, dépêche-toi de rassembler quelques vêtements. Elisabeth va t'aider. Dès que José sera de retour, je lui demanderai de vous faire passer la frontière avec Michel. Il peut vous héberger dans sa famille de l'autre côté des Pyrénées. Restez ici serait trop dangereux pour vous.
– Mais toi, Jean, tu nous accompagnes, n'est-ce pas ?
– Non, je dois me rendre à Bègles avant qu'il ne soit trop tard. J'ai aussi une affaire à régler, murmure-t-il d'une voix sourde. Je vous rejoindrai juste après.
A suivre
Victoria
