Meg était en train de somnoler, quand une cavalcade dans la cuisine se fit entendre. La jeune femme, reprenant toute sa lucidité, alluma la torche dont elle dirigea le flux vers la source du vacarme. Elle ne vit rien. Paul qui s’était levé, vint aux nouvelles.
« Je crois qu’il y a un animal avec nous, Paul. Il était peut-être caché dans une armoire de la cuisine.
— Je ne crois pas, Meg… Éclaire mieux par ici… Ce sont des traces boueuses de pas d’enfant !... Allume des bougies.
— Quoi ? Mais d’où serait-il sorti ? C’est insensé ! Et puis, que ferait un enfant ici ?
— Je ne sais pas, je constate, c’est tout, regarde par toi-même.
— Mais c’est dingue ! Les pas débutent au seuil de la cuisine et vont vers l’âtre.
— Je ne vois pas de trappe ni de trou dans le plafond… Et puis, il n’y a pas d’issue secrète au fond de l’âtre. D’ailleurs, il n’y a aucune trace de pas dans la cendre.
— Qu’est-ce que ça signifie, Paul ?
— Je ne sais pas, Meg. »
Paul avait à peine fini de parler, que la table et les tabourets se mirent à trembler dans un bruit de castagnette.
Merde, un tremblement de terre !
— Euh… Non Meg, tu vois, le lit et les étagères ne bougent pas. »
Un petit ricanement aigu jaillit de sous le pieu, et deux petits bras décharnés et pâles sortirent lentement, les ongles griffant le plancher dans leur progression. Meg fit un saut de carpe en arrière, l’épouvante lui fit oublier la douleur de son pied.
« Mais qu’est-ce qui te prends, Meg ?
— Quoi, tu ne vois pas ce truc qui sort de sous le lit ?
— Tu hallucines, il n’y a rien.
— Mais… Mais il n’y a plus rien !
— Tu vois, tu es juste fatiguée.
— Ah ouais ? Et que dis-tu de la danse de la table et des tabourets ?
— Euh… C’est peut-être un phénomène géologique, je ne sais pas. »
Tout à coup, un souffle soudain éteignit les bougies, plongeant la cabane dans le noir. Meg alluma la torche qu’elle avait gardée en main, balayant la pièce de son faisceau. La petite fenêtre était bien close, de même que celle de l’autre pièce ; le plafond n’avait pas de trou. Paul, qui ne s’était pas rendu compte de l’étrangeté du phénomène, essaya de rallumer les bougies ; il échoua, les tiges d’allumette s’éteignaient, à peine allumées.
« N’insiste pas, Paul. « On » veut nous plonger dans l’obscurité… et la torche commence à défaillir.
— Ah… Qui ça « on » ?... Eh tu entends ce raclement ? Ça semble venir de ma chambre.
— N’y vas pas Paul, je crois que la cabane est hantée.
— Tu délires, mon contact m’aurait prévenu, si c’était le cas.
— Vraiment ? Comment l’as-tu déjà connu ?
— Ben, quand je travaillais encore, il avait des papiers à faire.
— Et évidemment il a dû se fendre d’un bakchich.
— Bien sûr. Mais c’est le système, et je ne pense pas qu’il m’en ait voulu pour ça. On a sympathisé, et on est resté en contact.
— Bon, il est quelle heure ?... Deux heures et demie… Et si on s’en allait, Paul ?
— Ça va pas, non ? Il fait froid dehors, et puis regarde… Tu vois ce crachin, on va attraper la crève. D’ailleurs, on risque de se perdre ou de tourner en rond. Je ne sais pas toi, mais moi je n’ai pas le sens de l’orientation dans le noir.
— Alors, qu’est-ce qu’on fait ?
— Essayons de faire du feu.
— Mais Paul, il n’y a plus de bois.
— Ah ouais, et les tabourets, tu crois que c’est fait en quoi ? »
Ils brisèrent deux tabourets, et fourrèrent dans l’âtre les pieds qu’ils arrosèrent d’un peu de pétrole. Mais quoi qu’ils fissent, les tiges d’allumette ne donnèrent que des étincelles chétives. Comme aucun d’eux ne fumait, ils n’avaient pas de briquet.
Exaspérée, Meg balaya de la torche la pièce, pour chercher quelque morceau de papier. Soudain, le faisceau éclaira une petite fille au teint cadavérique ; la jeune femme poussa un cri, tant de surprise que d’épouvante. Paul vit aussi l’apparition, et ses courts cheveux se dressèrent. Eh bien, finalement, la cabane était vraiment hantée.
A suivre
RAHAR