Bateau de l'amirale,
Couture imaginaire,
Pour un jeu littéraire,
De Jazzy la géniale !
Pourvu qu'avec mes morceaux choisis, de prose comme de poésie, je parvienne à bâtir à mon légionnaire romain imaginaire, un sous-vêtement solide et chaud, même beau, pour qu'il n'ait pas envie de remettre sa cuirasse et de retourner faire la guerre ! En assemblant mes centos, tissus dépareillés, j'ai pris pour fil cent, puis cent fois et voilà ... Mon salaire ici sera la joie des visites et des commentaires, je travaillerai d'abord avant de voir si je serai payée en retour. Je ne suivrai donc pas le conseil, en prose pas en vers, de Jacques Prévert : Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage ... à demain si on ne vous paie pas le salaire d'aujourd'hui. Mais à l'origine, ce n'était pas cent fois sur le métier qu'il fallait remettre son ouvrage, le dicton emprunté à Nicolas Boileau s'est transformé au gré du temps et des répétitions, devenant plus exigeant qu'il ne l'était et il est bon de relire son Art poétique :
Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
Ce que s'appliquait aussi Chateaubriand pour ses Mémoires d'outre-tombe, déjà lui aussi plutôt cent fois que vingt :
Cent et cent fois j'avais fait, défait et refait la même page.
Une touchante et identique application chez Cyrano de Bergerac sous la plume d'Edmond Rostand :
Cette lettre d'amour que moi-même j'ai faite
Et refaite cent fois de sorte qu'elle est prête,
Et que mettant mon âme à côté du papier
Je n'ai tout simplement qu'à la recopier.
Et pour continuer la couture de mon centon, après les conseils poétiques, Cyrano donnant le ton, voici des bouts d'étoffe maintenant tous tissés d'amour. Amusons-nous d'abord d'un peu d'humour, celui de Charles Perrault dans sa Belle au bois dormant :
Attendre quelque temps pour avoir un Époux,
Riche, bien fait, galant et doux,
la chose est assez naturelle,
Mais l'attendre cent ans, et toujours en dormant,
On ne trouve plus de femelle,
Qui dormît si tranquillement.
Si tant est qu'on en trouvât jamais ! Le mot femelle avait alors cours, il serait inélégant de nos jours !
Cyrano s'appliquait dans sa lettre d'amour, son auteur le dramaturge Edmond Rostand était par ailleurs un vrai poète, tout comme sa femme Rosemonde Gérard (Rien que des chansons) qui nous offre une recette de chanson d'amour d'un grave romantisme :
Pour faire une chanson qui tremble
Et chante avec des vrais souvenirs
Il faut avoir cru, tout ensemble,
Cent fois vivre et cent fois mourir ;
Souvenirs aux fleurs défleuries,
Frissons d'un soir, baisers d'un jour ...
Valse de flamme et de folie ...
Il faut avoir donné sa vie
Pour faire une chanson d'amour.
Et les vers de Pierre Seghers (Le Coeur-Volant) rendent l'amour plus fort que l'absence et la mort dans :
Et si parfois tu sens sur toi
Comme aujourd'hui comme autrefois
Une main aux cent mille doigts
Redis-toi toujours que c'est moi.
Une mer d'huile ne dure pas dans le centon de l'amour et les cent fois se déclinent tantôt en vagues allègres et confiantes comme dans la chanson de Jean Ferrat : tu peux m'ouvrir cent fois les bras, c'est toujours la première fois, tantôt en houles qui vont au-delà des cent fois chez les Vieux amants de Jacques Brel :
Bien sûr nous eûmes des orages
Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol
Mille fois tu pris ton bagage
Mille fois je pris mon envol,
jusqu'en noyade non létale de Louis Aragon dans Les yeux d'Elsa :
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu !
Sans oublier la navigation en eau trouble sur les mots de Colette (Le Pur et l'Impur) : Cent fois j'ai soutenu devant moi-même que rien de lui ne me troublait, pour reconnaître cent fois que ce n'était qu'une partie, la petite partie claire et courte, la partie inutile de la vérité.
Qui navigue risque des naufrages et s'il a bonne fortune, revient un jour à terre pour descendre dans son jardin où vient se poser sur sa main le rossignol que fait chanter Victor Hugo (Les chants du crépuscule) :
Ce qui sort à la fois de tant de douces choses,
Ce qui de ta beauté s'exhale nuit et jour,
Comme un parfum formé du souffle de cent roses,
C'est bien plus que la terre et le ciel, - c'est l'amour !
Il est temps, pour terminer, en gardant les cent roses, de chasser du jardin le bourdon farouche de cent sales mouches, ce fléau d'Arthur Rimbaud dans sa Chanson de la plus haute tour, d'admirer Les fleurs du mal en s'extrayant du spleen baudelairien, de goûter l'instant présent contre vents et marées, de se dire comme Nietzsche : La vie n'est-elle pas cent fois trop courte pour la passer à nous ennuyer ?
Lenaïg
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