
On range soigneusement les briques au fur et à mesure. Nous finissons par dégager l’ouverture. Nous cherchons une torche pour éclairer la gueule du four. Et nous tombons sur une momie, un cadavre ratatiné d’un adolescent, à vue de nez.
« Oh putain, Lock ! Qu’est-ce que c’est que ça ?
— Si je me souviens bien, c’est probablement l’arrière grand-oncle de feu Régis, celui qui avait disparu sans laisser de trace.
— C’est donc un des squelettes du placard de la famille… sans jeu de mots… Mais alors, c’est son fantôme qui hante la maison.
— Pas sûr, contré-je, mon Chi Gong m’a montré qu’il n’y a pas de fantôme.
— Tu es certain que ton truc est fiable ?
— Homme de peu de foi. La civilisation de mes ancêtres est probablement la plus ancienne de la Terre. »
Puis l’ignorant, je réexamine la cuisine. Je regarde la hotte métallique.
« Jesse, tu ne trouves pas quelque chose de bizarre ?
— Ben quoi, qu’a-t-elle cette hotte ?
— Tu ne vois pas ce fil électrique ? Qu’est-ce que ça fout là ? Et c’est apparemment récent.
— Attend… Mais c’est relié à un gros électroaimant à l’intérieur !
— Ah, tu vois ? Une petite impulsion, et ça attire la batterie de cuisine qui va jouer les xylophones… Suivons le fil, je te parie qu’il y a quelque part une minuterie électronique.
— Mais c’est machiavélique !
— Et ma tête à couper qu’on trouvera aussi un mécanisme analogue dans la pendule.
— C’est dément, qui peut bien faire un truc si diabolique ?
— Je crois que j’ai ma petite idée.
— Et pour les bougies de l’applique ?
— Tu remarqueras que le mur n’est qu’une cloison en bois qui sépare le salon du living, il y a certainement un grand vide derrière. Je suppose qu’il y a un dispositif composé d’une petite bouteille de gaz, d’un ingénieux allumeur et d’une minuterie. »
On se retrouve le matin devant un bol de café, des toasts et des œufs brouillés. Ghislaine a dormi d’un sommeil paisible, en compagnie de Ninie. Un Jesse exalté raconte aux filles nos découvertes de la nuit. Moi, je baille malgré le café.
« Qui a bien pu manigancer tout ça, et pourquoi ? demande ma cliente.
— Mais c’est limpide, dis-je, c’est pour vous faire déguerpir et abandonner l’héritage. Quant à l’auteur, je pense à un certain ingénieur excellent bricoleur.
— Quoi, Mack ? Mais je croyais qu’il avait réussi et roulait sur l’or.
— Il n’est pas si riche que ça, intervient Ninie. Il ne sait pas épargner, du fait de la vie de patachon qu’il mène. La start-up dans laquelle il bosse bat de l’aile, il pourrait avoir à chercher du boulot ailleurs… et moins bien rémunéré. Je ne pense pas qu’il veuille renoncer à son train de vie dément actuel.
— Ce fieffé coquin a dû s’introduire dans la maison après les obsèques pour installer ses bidules, suppose Jesse. Mais on ne pourra pas le poursuivre sans preuve, il a certainement effacé toute trace et ses empreintes.
— Qu’allez-vous faire maintenant, mademoiselle Ghislaine ? demandé-je.
— Je ne vais pas habiter seule la maison, je vais demander à deux de mes lointaines cousines de venir vivre avec moi… jusqu’à ce que je me trouve le compagnon de ma vie.
— À mon avis, votre oncle espérait que la maison reste dans la famille, et il pensait qu’en une année, l’idée se serait implantée en vous et que finalement vous aimeriez la maison pour ne pas la vendre.
— Eh bien, je verrai… Et au sujet de la prime promise, comme l’a dit Jesse, la maison ne peut pas être vendue, mais je peux disposer de son contenu à ma guise… Alors, monsieur Kwan, Virginie, acceptez ces objets d’art précieux dont vous tirerez un très bon prix. Quant à toi Jesse, puisque tu as tout de même contribué à l’enquête, je te fais cadeau d’un tableau.
— À propos, il faudrait signaler aux autorités le macchabée dans le four à pain, fait Jesse. Après tout ce temps, ce ne sera pas facile d’enquêter sur le crime. La police va se faire des nœuds au cerveau. »
Fin
RAHAЯ
