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Jeudi en poésie de Lilou chez les Croqueurs : la poésie sans rimes ...

Lilou Soleil à la barre de la quinzaine des Croqueurs de mots ! J'ai repris les éléments que Lilou nous demande de glisser dans notre réponse à son défi du lundi.

***

Une Jeanne et sa cane,
Un nain gesticulant,
Jardin ! Pas la savane !
Je m'en vais cogitant ...

Apparaît aussi Jules,
Dont on ignore tout,
Puis vient une pendule...
Pourquoi pas un hibou ?

Une église, une mare,
Le décor est planté !
Oui mais moi j'en ai marre,
Je ne sais que rimer !

Lenaïg

Jeudi en poésie de Lilou chez les Croqueurs : la poésie sans rimes ...

Je fais un clin d'oeil préparatoire au récit que nous devrons inventer pour participer lundi et qui exprime une vérité : rimer, rimer, j'ai appris, je sais faire et j'aime beaucoup, mais ce n'est pas assez ! Je voudrais créer des métaphores, écrire en vers libres ! Alors j'ai mis le nez dans Poèmes sans rimes d'Olivier Destrée et je nous propose ses Plaintes d'automne. Ce n'est pas tout récent, mais je me suis laissée envoûter. Une autre fois, je chercherai des poèmes contemporains sans rimes.
***

PLAINTES D'AUTOMNE.

Du vent dans les hauts et minces peupliers du parc. Sur les cieux gris où passe le noir galop des nuées pluvieuses, se balancent les jaunissants peupliers ; ils se balancent et se dénudent les jaunissants peupliers, et leurs feuilles d'or tombent en cascade mélancolique sur la terre mouillée.

Bruit du vent dans les feuilles languissantes, comme de brusques rafales de pluie balayant les vitres la nuit, comme les plaintes voilées de la terre souffrante, comme la lourde masse des vagues retombant en écume sur le sable, comme de l'eau qui tombe, monotone grand bruit triste qui passe sur le cœur et semble en balayer les joies, comme les vagues éternelles le sable de la plage.

Longues plaintes du vent dans les cheminées, longues veillées : vieux châteaux isolés, déserts, perdus au faîte des montagnes. Sur les ailes du vent, dans les noirs couloirs humides passent, volent effarées les âmes désolées des seigneurs morts sans rémission.

Sifflements aigus, continus du vent dans les branches, aux jointures des fenêtres et sous les portes ; soupirs stridents, plaintes et pleurs du vent, menaces, périls inconnus, pièges tendus dans l'ombre ; tourbillons épais de ruses ténébreuses, cruelle et noire trahison ; ennemis ignorés apostés le long des chemins de notre vie, dans la nuit de menaces suspendue sur notre tête.

Le cœur s'effraie, l'âme pleure sa détresse, et dans les sifflements du vent, la solitude s'empare du cœur perdu, sans foi et sans amour, et la pâle mélancolie y établit son trône éternel.

Par les cieux gris obscurcis de nuées pluvieuses des oiseaux volent en troupes effarées. Ils tournent décrivant au ciel de grands cercles noirs, et soudain en longues files avec de grands cris discordants, douloureux, ils s'essorent et s'éloignent vers les pays du soleil. Sur la terre courent, tournoient, voltigent au gré du vent les feuilles mortes, et dans les souffles du vent passe quelque chose de l'âme des morts. Car un grand frisson les a saisis eux aussi sous la pierre glacée de leur tombe et dans la terre humide et froide, ils se retournent et gémissent et se plaignent avant de s'endormir du sommeil d'hiver.

Le vent s'est tu. Du silence dans les hauts peupliers immobiles du parc jaune. Entre de lourds nuages gris filtrent des rais humides de soleil qui éclairent soudain le paysage, le parc aux arbres fauves et roux, les gazons couleur d'ambre et au lointain là bas la forêt d'or.

Saison bénie, automne, belle saison chérie des artistes et des rêveurs, saison divine qui calme et apaise les yeux et les cœurs meurtris, saison des lentes songeries devant la merveilleuse nature, court temps de la vie passé hors de la vie dans la contemplation de magiques et féeriques paysages, comme une salutaire vision du Purgatoire, à perte de vue s'étendent les forêts d'or sous l'immensité calme des cieux gris.

Olivier Georges Destrée
(1867-1919)

Poèmes sans rimes

(1894)
Tag(s) : #Poèmes
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