Pour répondre au défi de Lilou chez les Croqueurs de mots, si vous êtes sages, je m'en vais vous conter une histoire de voisinage ! Cette histoire prend sa source dans mon p'tit poème de jeudi dernier (clic !).
Un artiste africain, peintre de la savane, Monsieur Rhino, est hébergé au coeur de la France dans un joli village, par Madame Jeanne. Monsieur Rhino est un rhinocéros et commence à se faire un nom dans le monde de l'art. Ah oui, au fait, précisons-le tout de suite : pas de politique en cette histoire alors que l'approche des élections présidentielles en France met les media en émoi. Il y a, parmi les personnages une "personne de petite taille qui semble assez agitée", qui n'a rien à voir avec un homme politique cible des obsédés des "bashings". Je ne me suis jamais livrée à ce genre de distraction, je ne vais pas commencer maintenant. Qu'est-ce que ce bashing ? Pourra-t-on demander ? Cela pourrait correspondre à "la curée" verbale, au "haro sur le baudet !"
Bref, Madame Jeanne est bien aimable et soigne son "poulain", heu son rhino aux petits oignons, Et la cane de Madame Jeanne est bien vivante, elle -car, oui, Jeanne a une cane comme dans la chanson de Georges Brassens-, un véritable ange gardien qui ne lâche pas sa maîtresse d'une semelle et gare aux malfaisants qui voudraient s'approcher d'un peu trop près, le bec de cane est très redoutable pour les mollets.
Madame Jeanne a un voisin, Monsieur Jules. Monsieur Jules n'a pas de cane ange gardien, mais un compagnon qui correspond à cette description d'une "personne de petite taille qui semble assez agitée" ..., de très petite taille en fait, c'est un nain de jardin, un lutin espiègle qui cache parfaitement son jeu lorsque des visiteurs viennent voir Monsieur Jules, jardinier hors pair, passionné, mais uniquement de fleurs ; pour les inconnus, le nain reste sagement dans son coin, ou dans la serre ou dans le jardin et il est pris pour une potiche d'ornement.
Madame Jeanne, elle, cultive un riche potager, elle n'a pas la main verte pour les fleurs et le regrette bien. Mais elle s'entend bien avec son voisin et ils échangent avec bonheur leurs produits de la terre. Le seul hic se situe dans la haine farouche que se vouent la cane et le nain ! Le nain tente parfois des incursions dans le jardin de Madame Jeanne, pour s'offrir une tomate ou un radis mais s'il est repéré par la cane de Jeanne, il passe un mauvais quart d'heure, ce voleur, s'il ne s'enfuit pas à temps ! Et lorsque Madame Jeanne est à la messe et que sa cane en profite pour se baigner dans la mare près de l'église, le nain saisit l'occasion pour lui lancer des cailloux !
La cane a tout de suite accepté Monsieur Rhino. Il faut dire que Madame Jeanne l'avait bien "briefée" avant son arrivée. La cane s'est fixé la mission de le protéger et il n'est pas rare qu'on la voie perchée sur le dos de Monsieur Rhino lorsqu'il peint dans le jardin les citrouilles, les choux verts, blancs ou rouges et, derrière, la ligne des collines qui est l'horizon de la contrée. Sur chaque toile de Monsieur Rhino, une particularité qui fait qu'il n'a point besoin d'apposer sa signature au bas du tableau : la grande corne de Monsieur Rhino est toujours présente au centre des tableaux ! Forcément, elle ne disparaît jamais de la vision frontale de l'artiste ...
Monsieur Jules, comme Madame Jeanne, ont de l'admiration et un très grand respect pour cet artiste qui a choisi leur village retiré pour profiter du calme, loin des métropoles ou de la savane natale, où Monsieur Rhino, doit toujours garder un oeil sur des fauves mal intentionnés ... Ce n'est pas le cas du nain de jardin qui, dès le début, s'est payé d'énormes crises de fou rire devant la corne omniprésente. Au début, Monsieur Rhino n'a pas compris, cette "personne de petite taille qui semble assez agitée" lui a paru juste dérangée et la cane se faisant menaçante, le nain disparaissait ...
Mais ce matin, le nain s'est déchaîné. Voici ce qu'il a lancé, perché sur le mur mitoyen, avant de sauter à l'abri dans son jardin : "Cette corne est grotesque ! Ridicule, vraiment ridicule ! Un artiste, ça ? Non, un imposteur !" Là, Monsieur Rhino a compris ! Sa fierté de peintre en a pris un coup et la moutarde lui est montée au nez. Il a foncé droit sur le malfaisant, défonçant le mur mitoyen au passage, piétinant les parterres fleuris, acculant le nain tremblant dans un renfoncement !
Monsieur Jules et Madame Jeanne sont arrivés à la rescousse pour constater les dégâts. Après s'être copieusement enguirlandés l'un l'autre, ils se sont apaisés, soulagés qu'il n'y ait pas eu de conséquences mortelles et les assurances remédieront aux dommages. Monsieur Rhino s'est calmé aussi, flatté par les deux humains et satisfait que ce nain de jardin soit puni ! La punition ? Enfermé dans la maison de Monsieur Jules des heures durant, devant un écran, pour apprendre ... l'histoire de l'art, juste quelques sorties sous haute surveillance (de la cane). Au début très rebelle et gesticulant, n'ayant l'oeil que sur la pendule et la maudissant d'aller si lentement, le nain a fini par se prendre au jeu et devenir un expert en la matière.
Pour l'anecdote, nous reproduirons, ci-dessous, la première leçon d'histoire de l'art qu'a reçue le nain. Cette "leçon", je l'ai proposée à Lady Marianne, pour son Tableau du samedi, et, mea culpa, je n'ai pas encore été visiter les participants, je comble ce manque sur le champ.
Lenaïg