Jeanne a dit "erreur !" Enfin, comme toujours, pour le jeudi en poésie, on est libre, d'aller errer de son côté, ou de prendre la direction proposée par la capitaine de quinzaine de la communauté des Croqueurs de mots (au fait, longtemps que nous n'avons pas eu un capitaine ...). Erreur de calcul, erreur de jeunesse, errare humanum est, etc ! En illustration j'aurais voulu nous trouver un dessin d'humour montrant le creusement d'un tunnel raté, ceux creusant à un bout creusant plus bas que ceux creusant à l'autre bout, ce qui fait que la jonction ne se ferait pas, tout cela à cause d'erreurs de calcul ... Pas trouvé, alors voici une vidéo d'un train arrivant à pleine vitesse devant un tunnel trop petit. Et moi je n'ai rien écrit, mais j'ai cherché l'erreur en poésie sur le net. Voici d'abord un poème d'une dame du XVIe siècle, très étonnamment emprunt de philosophie, derrière lequel on entrevoit la caverne de Platon et qui, s'il évoque l'amour humain, n'en reste pas moins très sibyllin. Ce qui est certain, c'est que Pernette avoue une erreur. Mais les erreurs, on peut en jouer, s'en jouer, comme dans le jeu du cadavre exquis des surréalistes et comme dans ce délicieux dialogue poétique de Jean Tardieu.
Note de Lenaïg
Comme le corps ne permet point de voir
À son esprit, ni savoir sa puissance :
Ainsi l'erreur, qui tant me fait avoir
Devant les yeux le bandeau d'ignorance,
Ne m'a permis d'avoir la connaissance
De celui-là que, pour près le chercher,
Les Dieux avaient voulu le m'approcher :
Mais si haut bien ne m'a su apparaître.
Parquoi à droit l'on me peut reprocher
Que plus l'ai vu, et moins l'ai su connaître.
(Rymes XI)
Pernette du Guillet
1520-1545
http://www.poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/pernette_du_guillet/comme_le_corps_ne_permet_point_de_voir.html
Les erreurs
(la première voix est ténorisante, maniérée, prétentieuse ;
l’autre est rauque, cynique et dure.)
Je suis ravi de vous voir bel enfant vêtu de noir.
– Je ne suis pas un enfant je suis un gros éléphant.
Quelle est cette femme exquise qui savoure les cerises ?
– C’est un marchand de charbon qui s’achète du savon.
Ah ! Que j’aime entendre à l’aube roucouler cette colombe !
– C’est un ivrogne qui boit dans sa chambre sous le toit.
Mets ta main dans ma main tendre je t’aime ô ma fiancée !
– Je n’suis point vot’fiancée je suis vieille et j’suis pressée laissez-moi passer !
Jean TARDIEU
1903-1995
http://lewebpedagogique.com/regisgaudemer/poesie/les-erreurs-de-jean-tardieu/