Puisque le "jeu" consiste à n'en choisir qu'un et à se pencher dessus -et c'est très difficile pour moi, qui aime passer de l'un à l'autre et d'un artiste à l'autre, devant mon écran-, je pose les autres et je retiens donc un, celui-ci et je laisse l'artiste Yves Krief, peintre et photograffeur, nous le présenter :
Avec un peu de retard voici mon dernier tableau, le "Cent Titres" n°247. Format : 111 x 166 cm.
Au bon format, l'impression de densité chaotique de la composition s'estompe totalement.
Surtout, méfiez vous de son "appât-rance" .
Si vous l'aimez... faites le voyager.
Je le fais voyager avec plaisir, d'autant plus qu'OB nous permet de le contempler vraiment "en grand", plus encore que sur facebook. Pour Yves Krief, les images sont des mots, je suis bien d'accord avec lui et dans ses toiles, les images fourmillent, se côtoient, se suivent, s'opposent ; l'artiste est conscient que le dialogue qu'il leur fait tenir ne sera pas nécessairement celui que le spectateur "entendra" !
On repère sur cette toile un détail qui revient souvent comme un refrain : le petit drapeau français, qui flotte bravement dans un grand nombre des paysages qu'il a créés. Pourtant, ce drapeau campe souvent dans des décors si disparates et exotiques qu'on en est au premier abord dérouté. Eh bien, c'est qu'Yves Krief est français et qu'il garde ainsi son identité, comme nous (si nous le sommes) dans un monde où plus personne ne reste cantonné dans son coin, de France ou d'ailleurs, où tout le monde est relié à la Terre entière, rendue proche par le net, les media d'information et de spectacle, sinon par ses propres voyages.
Nous entrons dans un univers multidimentionnel, à la fois "étranger" et familier, où la réalité la plus banale croise le fantastique, que celui-ci soit horrible ou qu'il fasse rêver. Les inscriptions sous le pont sont explicites : Man's land - No man's land, le territoire des hommes - Le territoire où l'homme n'a pas droit de cité (c'est juste une interprétation personnelle). Nous avons de la chance, nous, spectateurs, nous avons notre passeport pour aller de l'un à l'autre, grâce à cette oeuvre ! Nous sommes autant dei ex maquina (les dieux qui actionnent les marionnettes) que le personnage gigantesque au bout de la main, jouant de la harpe avec les câbles du pont. Cette main à la fois osseuse et métallique, en or peut-être, est-elle celle de Dieu, du Terminator (celui programmé pour sauver l'humanité ?), ou la main de l'Artiste avec un grand a ? La partition que joue cette main, j'ai l'impression que nous pouvons la choisir, de notre côté, nous contemplant la toile.
A terre, un zombi hante la rue, hache encore à la main, il est même au premier plan, une menace ? Peut-être, mais il me semble sur le point de sortir du cadre ! Et les jolies femmes continuent leur chemin sur un sol usé, défoncé, entre les chats noirs et une poule. Il y a même une petite croix lumineuse d'église, très discrète, qui s'est allumée dans le crépuscule ... Seulement, tapi, derrière un immeuble, au-dessus d'elle, bien à sa verticale, un monstre ne peut s'empêcher d'avancer un de ses énormes tentacules. Est-ce Satan, jamais absent ? Je ne trancherai pas ... Je préfère m'élever vers le ciel et son ballet d'oiseaux, libres, comme aussi le cerf-volant et l'avion, vers les jardins qui se sont réfugiés sur les toits-terrasses des immeubles neufs.
Voilà, c'étaient mes interprétations à moi, qui ne suis absolument pas critique d'art comme on s'en aperçoit, mais qui cogite néanmoins ! Qu'en pensera le lecteur qui voudra bien passer par là ?
Lenaïg
Pour le Tableau du samedi, communauté de Lady Marianne.