Certains avaient pensé à quelque attaque d’un jaguar, ou exceptionnellement d’un puma, mais les zoologues avaient écarté cette idée, ces bêtes ayant plutôt tendance à éviter les humains. Quant à l’anaconda, ce reptile préférait les zones marécageuses. L’ingénieur, qui était aussi botaniste, connaissait, en théorie, les espèces toxiques de la flore. Il ne restait alors que l’hypothèse d’un gouffre caché par la végétation.
La société avait alors décidé l’envoi d’une expédition composée d’un agent d’assurance, d’un médecin, et de deux militaires du gouvernement, pour s’enquérir de ce qu’était advenue la première mission, et éventuellement la secourir. L’agent avait une caméra frontale, reliée à un enregistreur, le médecin avait un téléphone satellite et devait rendre compte toute les demi-heures.
À la troisième heure, le contact fut rompu, après le sixième compte-rendu du médecin. Quelque chose avait dû se produire dans la demi-heure suivante, avant le septième contact, et le médecin n’avait pas eu l’occasion de donner l’alerte. Les dirigeants de la société durent se réunir en urgence pour se concerter. Il fut alors décidé de mettre sur pied un corps expéditionnaire composé de cinq des meilleurs membres de la milice privée de la société. Le gouvernement, tout de même préoccupé, détacha deux commandos d’une brigade spéciale, les sergents Luis et Mariano.
Les membres de cette milice privée (on se demandait bien pourquoi la société avait besoin de celle-ci) avaient été recrutés parmi d’anciens marines, d’ex légionnaires et autres corps spéciaux ; ils étaient des durs à cuire, des têtes brûlées, à la limite de la psychopathie. Les commandos du gouvernement, bien que pouvant leur rendre des points, étaient tout de même bridés par une certaine éthique. Ce furent donc sept hommes déterminés et bien armés qui débarquèrent de l’hélicoptère à l’orée de la forêt amazonienne. Le capitaine Padek Artier menait la petite troupe. Quoique les grades dans une milice n’eussent rien d’officiel, les deux agents du gouvernement se plièrent sans rechigner à ses ordres, dame, la société était une puissance que le gouvernement ne pouvait traiter par-dessus la jambe. Le sergent Télesphore Sanphil, appelé familièrement Télé (c’était plus court), était chargé de maintenir constante la communication avec la base installée pour l’occasion en plein milieu de l’immense exploitation de soja.
Après une vingtaine de minutes de marche, le groupe rencontra les Jabirus, une tribu pacifique qui vivait de la chasse et de la cueillette. Quelques outils de métal, quelques shorts et du tissu provenaient de leur rencontres sporadiques avec des orpailleurs clandestins. Quelques individus baragouinaient le portugais et racontèrent que les précédentes missions les avaient rencontrés. Mais apparemment, celles-ci n’avaient pas jugé nécessaire de rapporter cette rencontre. Le groupe profita de la pause pour casser une petite croûte, et l’agent du gouvernement Luis discuta avec le chef de la tribu et son chaman.
« Capitaine, je viens de parler avec le chef.
— Accepte-t-il de quitter la zone ?
— Ce n’est pas un problème, la tribu va se déplacer vers le territoire des Chacaris, au Nord-Ouest, ce sont leurs cousins lointains. Mais ce qui me préoccupe, c’est ce que m’a dit le chaman.
— Ah oui ? Qu’est-ce donc ?
— Il paraît que la région du Sud-Est est un territoire maudit, leur tradition raconte que la tribu y a perdu nombre de valeureux chasseurs, et les Jabirus n’y vont plus depuis trois générations.
— Conneries ! Ils ont tout simplement succombé sous les griffes des jaguars, ou ont été mordus par des fers de lance ou des mygales. Nous, nous avons des armes et de l’anavenin.
— Pas d’accord capitaine, intervint le sergent Omar Bouyi. Les indiens connaissent parfaitement leur environnement, les accidents sont rarissimes.
— C’est vrai, renchérit le sergent Mariano, d’ailleurs ils ne chassent que quelques singes, quelques pécaris, quelques oiseaux, et quelques mygales. Ils ne prennent que ce dont ils ont besoin.
— Des mygales ? Dégueulasse !
— Mais non, capitaine. Chez nous, l’araignée a un goût de noisette, rigola le sergent Bruce Weï. Il paraît que la mygale braisée rappelle la crevette, j’aimerais bien y goûter.
— Pas le temps de faire des tests gastronomiques, sale bridé, on doit continuer la mission.
— Ne devrait-on pas tenir compte de cette tradition, capitaine ? s’enquit Luis.
— Ne me dites pas que vous êtes superstitieux, sergent.
— Euh… Pas vraiment, mais je sais qu’il y a toujours un fond de vérité dans toute légende.
— Bah, quand bien même, on n’a qu’à redoubler de prudence. »
Le chaman avait prodigué son avertissement, autant à ces étrangers qu’à ceux qui étaient venus avant, mais ils semblaient tous ne vouloir qu’en faire à leur tête. Il haussa donc philosophiquement les épaules, les dieux avaient peut-être besoin de leur sacrifice, et c’était probablement leur destin.
La troupe reprit donc son chemin, les yeux alertes, l’arme au poing. La marche n’était pas rapide toutefois, cette forêt amazonienne était dense et malsaine. À un certain moment, Omar s’appuya contre un arbre. Brusquement, il grogna de surprise et de douleur : les mâchoires d’une tête ophidienne s’étaient refermées sur son bras.
« Oh merde ! Un boa ! N’essaie pas de tirer, Omar, ses dents sont des crochets incurvés, pousse plutôt !
— Pas de coup de feu ! Bruce, Luis, empêchez cette bestiole de s’enrouler autour d’Omar. Mariano, utilisez votre taser !
— Eh ! Grouillez-vous les mecs, ça fait un mal de chien capitaine, putain ! »
L’anaconda avait fini par lâcher prise. Il devait y avoir un marais ou un cours d’eau tout près. André qui portait la trousse de secours, administra à Omar les premiers soins. La blessure était plus spectaculaire que grave, il avait simplement fallu la désinfecter. La troupe reprit sa marche en faisant plus attention.
Bruce qui regardait de temps en temps en haut (il avait été fortement impressionné par le film Predator) vit un singe qui tenait quelque chose de brillant. Il arrêta le groupe.
« Eh capitaine ! Visez ce macaque là-haut, il semble tenir un appareil.
— Macaque ignare toi-même, railla Télé, c’est pas un macaque, c’est un sapajou.
— Tiens, mais on dirait un enregistreur. Je crois que c’est celui de l’agent d’assurance. On le descend capitaine ?
— Non, non, fit précipitamment Mariano, j’ai un pistolet à aiguille hypodermique, on l’endort tout simplement.
Un évènement préoccupant mit en émoi les hautes sphères de la SOYACORP. Une mission d’évaluation n’avait plus donné de nouvelle depuis cinq heures. Cette expédition devait étudier la possibilité de défrichage de cinq hectares de forêt dont la société avait obtenu la concession. Elle était composée d’un géologue, d’un ingénieur agroforestier, d’un biologiste spécialisé en environnement, d’un topographe et d’un sociologue imposés par le gouvernement, et de deux soldats. Le sociologue devait rendre compte de la présence éventuelle d’indiens, et étudier comment les déplacer, le cas échéant. L’ingénieur devait rendre compte par téléphone satellite toutes les heures ; une panne de l’appareil était impensable, le gouvernement n’avait signalé la présence d’aucune tribu hostile, et les photos aériennes n’avaient montré aucun accident de terrain comme une faille.
Certains avaient pensé à quelque attaque d’un jaguar, ou exceptionnellement d’un puma, mais les zoologues avaient écarté cette idée, ces bêtes ayant plutôt tendance à éviter les humains. Quant à l’anaconda, ce reptile préférait les zones marécageuses. L’ingénieur, qui était aussi botaniste, connaissait, en théorie, les espèces toxiques de la flore. Il ne restait alors que l’hypothèse d’un gouffre caché par la végétation.
La société avait alors décidé l’envoi d’une expédition composée d’un agent d’assurance, d’un médecin, et de deux militaires du gouvernement, pour s’enquérir de ce qu’était advenue la première mission, et éventuellement la secourir. L’agent avait une caméra frontale, reliée à un enregistreur, le médecin avait un téléphone satellite et devait rendre compte toute les demi-heures.
À la troisième heure, le contact fut rompu, après le sixième compte-rendu du médecin. Quelque chose avait dû se produire dans la demi-heure suivante, avant le septième contact, et le médecin n’avait pas eu l’occasion de donner l’alerte. Les dirigeants de la société durent se réunir en urgence pour se concerter. Il fut alors décidé de mettre sur pied un corps expéditionnaire composé de cinq des meilleurs membres de la milice privée de la société. Le gouvernement, tout de même préoccupé, détacha deux commandos d’une brigade spéciale, les sergents Luis et Mariano.
Les membres de cette milice privée (on se demandait bien pourquoi la société avait besoin de celle-ci) avaient été recrutés parmi d’anciens marines, d’ex légionnaires et autres corps spéciaux ; ils étaient des durs à cuire, des têtes brûlées, à la limite de la psychopathie. Les commandos du gouvernement, bien que pouvant leur rendre des points, étaient tout de même bridés par une certaine éthique. Ce furent donc sept hommes déterminés et bien armés qui débarquèrent de l’hélicoptère à l’orée de la forêt amazonienne. Le capitaine Padek Artier menait la petite troupe. Quoique les grades dans une milice n’eussent rien d’officiel, les deux agents du gouvernement se plièrent sans rechigner à ses ordres, dame, la société était une puissance que le gouvernement ne pouvait traiter par-dessus la jambe. Le sergent Télesphore Sanphil, appelé familièrement Télé (c’était plus court), était chargé de maintenir constante la communication avec la base installée pour l’occasion en plein milieu de l’immense exploitation de soja.
Après une vingtaine de minutes de marche, le groupe rencontra les Jabirus, une tribu pacifique qui vivait de la chasse et de la cueillette. Quelques outils de métal, quelques shorts et du tissu provenaient de leur rencontres sporadiques avec des orpailleurs clandestins. Quelques individus baragouinaient le portugais et racontèrent que les précédentes missions les avaient rencontrés. Mais apparemment, celles-ci n’avaient pas jugé nécessaire de rapporter cette rencontre. Le groupe profita de la pause pour casser une petite croûte, et l’agent du gouvernement Luis discuta avec le chef de la tribu et son chaman.
« Capitaine, je viens de parler avec le chef.
— Accepte-t-il de quitter la zone ?
— Ce n’est pas un problème, la tribu va se déplacer vers le territoire des Chacaris, au Nord-Ouest, ce sont leurs cousins lointains. Mais ce qui me préoccupe, c’est ce que m’a dit le chaman.
— Ah oui ? Qu’est-ce donc ?
— Il paraît que la région du Sud-Est est un territoire maudit, leur tradition raconte que la tribu y a perdu nombre de valeureux chasseurs, et les Jabirus n’y vont plus depuis trois générations.
— Conneries ! Ils ont tout simplement succombé sous les griffes des jaguars, ou ont été mordus par des fers de lance ou des mygales. Nous, nous avons des armes et de l’anavenin.
— Pas d’accord capitaine, intervint le sergent Omar Bouyi. Les indiens connaissent parfaitement leur environnement, les accidents sont rarissimes.
— C’est vrai, renchérit le sergent Mariano, d’ailleurs ils ne chassent que quelques singes, quelques pécaris, quelques oiseaux, et quelques mygales. Ils ne prennent que ce dont ils ont besoin.
— Des mygales ? Dégueulasse !
— Mais non, capitaine. Chez nous, l’araignée a un goût de noisette, rigola le sergent Bruce Weï. Il paraît que la mygale braisée rappelle la crevette, j’aimerais bien y goûter.
— Pas le temps de faire des tests gastronomiques, sale bridé, on doit continuer la mission.
— Ne devrait-on pas tenir compte de cette tradition, capitaine ? s’enquit Luis.
— Ne me dites pas que vous êtes superstitieux, sergent.
— Euh… Pas vraiment, mais je sais qu’il y a toujours un fond de vérité dans toute légende.
— Bah, quand bien même, on n’a qu’à redoubler de prudence. »
Le chaman avait prodigué son avertissement, autant à ces étrangers qu’à ceux qui étaient venus avant, mais ils semblaient tous ne vouloir qu’en faire à leur tête. Il haussa donc philosophiquement les épaules, les dieux avaient peut-être besoin de leur sacrifice, et c’était probablement leur destin.
La troupe reprit donc son chemin, les yeux alertes, l’arme au poing. La marche n’était pas rapide toutefois, cette forêt amazonienne était dense et malsaine. À un certain moment, Omar s’appuya contre un arbre. Brusquement, il grogna de surprise et de douleur : les mâchoires d’une tête ophidienne s’étaient refermées sur son bras.
« Oh merde ! Un boa ! N’essaie pas de tirer, Omar, ses dents sont des crochets incurvés, pousse plutôt !
— Pas de coup de feu ! Bruce, Luis, empêchez cette bestiole de s’enrouler autour d’Omar. Mariano, utilisez votre taser !
— Eh ! Grouillez-vous les mecs, ça fait un mal de chien capitaine, putain ! »
L’anaconda avait fini par lâcher prise. Il devait y avoir un marais ou un cours d’eau tout près. André qui portait la trousse de secours, administra à Omar les premiers soins. La blessure était plus spectaculaire que grave, il avait simplement fallu la désinfecter. La troupe reprit sa marche en faisant plus attention.
Bruce qui regardait de temps en temps en haut (il avait été fortement impressionné par le film Predator) vit un singe qui tenait quelque chose de brillant. Il arrêta le groupe.
« Eh capitaine ! Visez ce macaque là-haut, il semble tenir un appareil.
— Macaque ignare toi-même, railla Télé, c’est pas un macaque, c’est un sapajou.
— Tiens, mais on dirait un enregistreur. Je crois que c’est celui de l’agent d’assurance. On le descend capitaine ?
— Non, non, fit précipitamment Mariano, j’ai un pistolet à aiguille hypodermique, on l’endort tout simplement.
A suivre
RAHAЯ
http://www.allocine.fr/film/fichefilm-11511/photos/detail/?cmediafile=19076735