Une tempête de pensées disparates s’éleva dans l’esprit de Ram. Il dut remettre en cause toutes ses croyances. Il jeta un coup d’œil à Nèfe ; elle était toujours absorbée dans sa contemplation des fabuleuses machines. Il remit le cahier dans le tiroir qu’il repoussa doucement.
Ils sortirent perplexes et se dirigèrent vers une autre construction en ruines. Ils y trouvèrent des bâtons composites de bois et de métal rouillé, avec un petit pontet protégeant une gâchette. Ram se remémora des croquis d’ouvrages anciens ; c’étaient des fusils. Mais dans leur état, ils étaient visiblement inutilisables.
Ils entrèrent ensuite dans une construction basse qui semblait avoir été une bibliothèque ; le doute de Ram se renforça : à quoi servaient des livres pour des dieux supposés omniscients ? La plupart des ouvrages étaient détériorés, mangés par la moisissure et malmenés par les intempéries. Ram trouva quelques manuels techniques dont il ne comprit pas tout le contenu. Nèfe dénicha un traité de mathématiques et jubila. Puis par curiosité, elle feuilleta un magazine tout délavé de sport.
« Eh Ram ! Je sais comment nous allons rentrer. Regarde, vois ce qu’on appelle un deltaplane. Ce ne sera pas difficile d’en fabriquer. Je calculerai les cotes et tu le réaliseras.
— C’est bien beau, mais te rends-tu compte que nous allons revenir bredouilles.
— Bon, par acquis de conscience, allons visiter un dernier bâtiment. »
Ils fixèrent leur choix sur une construction trapue fermée par une porte métallique qu’ils n’eurent pas trop de peine à forcer. Ils virent alors plusieurs caisses qu’ils ouvrirent, découvrant plusieurs tubes enveloppés dans du papier huilé. Une feuille jaunie décrivait sommairement le contenu. C’étaient des fusées d’artifice. Ram se rappela avoir vu un ouvrage sur les feux d’artifice, dans la bibliothèque. Il se dit qu’il y trouverait certainement comment en fabriquer. Évidemment, il ne se doutait pas que les Bricoleurs de sa cité venaient de redécouvrir la poudre noire. Quoi qu’il en fût, il décida que Nèfe et lui emporteraient quelques tubes.
Sous les directives de Nèfe, Ram réussit à construire deux grands deltaplanes avec une sorte de tissu artificiel étonnamment solide des dieux. Habitués dès leur jeune âge aux parapentes et cerfs-volants, les deux jeunes gens estimèrent pouvoir manœuvrer ces engins volants en jouant sur les courants d’air chaud.
Les habitants de Friy eurent la surprise de leur vie en voyant dans le ciel deux triangles vert armée planant gracieusement en descendant dans une spirale élégante. Leur étonnement fut à son comble en constatant qu’une forme humaine était suspendue sous chacun d’eux.
« Cher Ram, tu mérites désormais le titre de Dessi-Maître.
— Merci Maître, mais je n’aurais pas réussi sans l’aide de Nèfe.
— Eh bien, saluez donc notre nouvelle Rha-Compteur, Nèfe.
— Je dois vous avouer Maître qu’on ne peut utiliser le deltaplane qu’à partir d’une hauteur.
— Cela ne fait rien ma petite, cette technologie aura toujours son utilité… Et alors, que vous ont dit les dieux.
— Euh… Je ne sais pas comment vous le dire…
— Ce que Ram hésite à dire, c’est que les dieux estiment que nous devons apprendre maintenant à nous en sortir seuls. Ils pensent que nous devons avoir la sagesse et l’intelligence pour vivre dans l’harmonie comme eux.
— Ce n’est pas vraiment ce à quoi nous nous attendions. Vous ont-ils donné quelque chose pour nous aider ? »
Ram montra aux anciens les fusées d’artifice. Nèfe expliqua qu’elles servent à effrayer les éventuels agresseurs et en expliqua le fonctionnement. Mais le Grand Maître Bricoleur extrapola rapidement qu’elles pouvaient aussi servir d’arme, le cas échéant, et pourraient épauler les boules explosives.
Devant les armes effrayantes détenues par Friy, les agresseurs battirent piteusement en retraite. Magnanime, Friy proposa à ses voisines moins loties, de partager une partie de son savoir, permettant une exploitation plus rationnelle de leur territoire. Elle commença ainsi à chercher à appliquer la recommandation des dieux en professant l’harmonie.
« Mais pourquoi donc leur cacher que les hum… dieux sont partis, Nèfe ?
— Eh bien, cela aurait plongé beaucoup dans la détresse, tu ne crois pas mon petit Ram ? Maintenant, les gens seront forcés de se prendre en main et ne plus s’en remettre à des dieux désormais inaccessibles. »
Ram n’osa pas lui dire que ces fameux dieux n’étaient que de simples humains, à la civilisation très avancée peut-être, mais ils étaient des hommes, leurs cousins plus ou moins éloignés.
Fin
RAHAЯ