Trois étudiants en histoire et ethnologie, Pepper Einsolte, Bella Roza et Brian Tellève, avaient fait un stage sur l’île de Haida Gwaii. Leur étude sur l’histoire des deux clans haida, les Aigles et les Corbeaux, avait été très intéressante et très instructive. Ils allaient maintenant rejoindre Vancouver. Au cours de leur déplacement, ils avaient fait la connaissance d’un jeune self-made-man, Bill Guette, venu dans l’île passer quelques jours de vacances pour déstresser d’une vie trépidante. Ils s’étaient bien entendu, et le businessman qui n’avait que quelques années de plus, les invita à voyager avec lui, avec son Cessna personnel ; cela lui ferait une compagnie agréable.
Le jour du départ, les quatre jeunes gens s’entassèrent dans le Skylane avec leur maigre bagage. Bill avait déjà plusieurs heures de vol à son actif, et le monomoteur d’occasion était encore en très bon état. Ce fut donc quatre jeunes insouciants qui survolaient le Pacifique vers le Sud.
À mi-chemin, le moteur cafouilla sans crier gare. Pourtant récemment révisé, il toussa une dernière fois, puis s’arrêta. Pour comble, il y eut un petit grésillement au tableau de bord, du côté de l’émetteur. L’ambiance joyeuse fut remplacée par une atmosphère d’angoisse. En bas s’étalait la mer, à gauche se profilait la côte dénuée de tout terrain suffisamment dégagé. Au loin devant, ils aperçurent un îlot baigné de brume. Bill pria pour que ce bout de terre eût une plage assez longue pour le petit avion. Le jeune homme d’affaire épuisa toutes ses ressources pour faire planer l’engin jusqu’à l’îlot. Il fallait admettre que ce ne fut pas suffisant, le petit Skylane amerrit sans trop de casse, mais à quelques dizaines de mètres de son but. Bill sortit immédiatement un dinghy gonflable, et les quatre jeunes gens s’y précipitèrent, avec juste leurs précieux documents rassemblés dans une serviette de plastique.
L’îlot était presque noyé dans la brume. Il était abondamment boisé et n’offrait qu’une mince bande de plage. Ils abordèrent dans une anse et virent un terrain herbeux relativement dégagé. Ils tirèrent l’embarcation sur la grève de petits galets. À quelques dizaines de mètres, ils distinguèrent un bâtiment. Une pointe d’espoir les anima : l’îlot semblait habité. Ils espéraient pouvoir communiquer avec la civilisation. C’était avec enthousiasme qu’ils se ruèrent vers la construction.
À mi-chemin, ils virent, interloqués, des rails rouillés dissimulés par l’herbe folle, des pièces corrodées éparpillées de machine et des bouts de filin d’acier oxydé. Ils distinguèrent mieux la bâtisse. C’était une grande construction à étage en bois, aux fenêtres sans vitre. Pepper supposa que c’était une usine abandonnée des anciens baleiniers. Il serait vain d’y trouver quelque appareil de communication pouvant les sauver. Bill essaya de les rassurer : on allait partir à leur recherche, l’homme d’affaire possédait de gros moyens, et on connaissait son plan de vol. En attendant, ils allaient donc faire de leur mieux pour survivre sur ce bout de terre. La bâtisse leur servirait d’abri, et ils s’en approchèrent.
Alors qu’ils étaient devant la porte, Bella, qui était une sensitive, sentit comme un regard peser sur sa nuque. Elle se retourna brusquement, scrutant les alentours. La brume limitait la vision à quelques dizaines de mètres. La jeune étudiante ne vit rien, mais la sensation inconfortable persistait. Voulant se rassurer, elle mit son trouble sur le compte de l’atmosphère assez lugubre de l’environnement.