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Flora était bien trop impatiente pour se contraindre à une consultation méthodique et systématique, elle lisait les ouvrages selon leur rapide disponibilité, au détriment de leur classement chronologique. La jeune fille eut donc d’abord un aperçu de leur civilisation depuis un demi-siècle. L’accroissement démographique était limité, compte tenu de la relative exiguïté de leur milieu. Le teint de la population était devenu d’un ton de miel uniforme, mais les facéties de la génétique faisaient apparaître de temps à autre des individus au teint foncé ou encore d’une blancheur insolite. La nourriture était assurée par les cultures hydroponiques et les centres d’élevage d’anguilles et de crabes, dont les récoltes étaient équitablement distribuées dans tous les districts. L’énergie était fournie par un barrage vieux de cinq siècles sur une chute souterraine ; toutefois, sa puissance était réduite pendant quatre mois par an, et on ne savait pas pourquoi le débit de la chute se réduisait pendant cette période ; le barrage alimentait les machines de ventilation et d’épuration de l’air, ainsi que le chauffage. Plusieurs générateurs de Hendershot alimentaient les petits appareils et l’éclairage par leds de toute la communauté ; le District 1 avait un stock de ces lampes pour encore des siècles, selon son maire. La criminalité était quasi absente, chacun avait théoriquement tout ce dont il a besoin, les conflits inévitables étaient réglés à l’amiable, il avait été implanté dans l’esprit de chaque citoyen que les affrontements meurtriers réduiraient le reste de l’humanité, probablement jusqu’à son anéantissement.

A quoi ressemble la Terre en surface en 2550, année de l'histoire ? Comment pourrait-on le savoir ! - A ceci ? Terrifiante vision de l'étrange site : http://nostromo.fr/tag/fin-du-monde/

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Flora profita de la situation privilégiée de sa mère pour lui soutirer un passeport pour les autres districts, en vue de consulter des ouvrages de leur bibliothèque. Estimant que ce caprice de la jeune fille ne portait pas à conséquence, le maire lui accorda le précieux document, espérant toujours pouvoir séduire sa mère. Le chef du département des Archives était trop impressionné par la mère de Flora pour oser élever quelque objection à l’aventure du stagiaire. La jeune fille alla donc écumer les districts, à la recherche de documents datant de plusieurs siècles.

Flora finit par trouver dans la bibliothèque du District 2 un ouvrage qui datait de l’année 2060. Malgré son âge vénérable, le livre n’était pas trop abîmé, mais son encre délavé par le temps rendait difficile le déchiffrage du texte. Toutefois, grâce à son intelligence, la jeune fille arriva à discerner le sens général du contexte.

À sa grande surprise, le monde ne se délimitait donc pas à ces cavernes, si on donnait foi à ce que racontait l’ouvrage. Il y avait un « dehors », les cavernes étaient sous la surface d’une planète si vaste que Flora n’en pouvait imaginer les dimensions, les chiffres étaient au-delà de son entendement, ils n’avaient plus de signification. La jeune fille était amenée à penser que le livre était un roman de science-fiction, son contenu était tellement fantasmagorique, bousculant toutes les idées reçues du monde des cavernes.

En 2050, des scientifiques avaient prévenu l’humanité qu’elle courait à sa perte, du fait de l’utilisation sans discernement de la technologie. Les centrales nucléaires, déjà tant décriées depuis les années 2000, avaient été multipliées. En prévision d’un accident inévitable, des magnats, indépendamment des gouvernements et des armées, avaient prospecté des cavernes et en avaient aménagé certaines. Ils avaient commencé la sélection de familles qui allaient occuper ces cavernes. Au début de l’année 2060, des centrales nucléaires explosèrent. Flora ne put connaître les circonstances de ces accidents, le texte était trop délavé. Quoiqu’il en fût, la radioactivité s’étendit sur toute la planète, faisant une hécatombe monstre. Les autres centrales, privés de contrôleurs humains, s’emballèrent et finirent par exploser également. Une partie de l’humanité s’était heureusement réfugié dans les cavernes et avaient scellé les entrées. Des mécanismes sensibles à la radioactivité bloquèrent les sas.

Les années passèrent, les rescapés s’étaient organisés. Il y eut des conflits, des guerres d’influence et de suprématie, des gens de valeur furent tués, surtout des scientifiques. Mais finalement, après une prise de conscience, la majorité écarta les dirigeants autoproclamés et amorcèrent un début de démocratie. Au fil des années, les rescapés s’installèrent dans une vie assez routinière, ne s’occupant que de leur survie dans un confort tout relatif. En l’absence de vrais scientifiques, les générations suivantes tinrent pour acquis que leur monde se limitait à ces cavernes. Flora comprit donc que l’extérieur était dangereux, à cause de la radioactivité. Elle n’avait aucune notion de cette « radioactivité », elle pensait que c’était une sorte de gaz toxique.

En consultant d’autres ouvrages anciens, elle eut connaissance d’une faune et d’une flore extraordinaire. Des images de bêtes inconnues, d’arbres et de fleurs inimaginables. Flora ne connaissait que les anguilles aveugles, les crabes blancs, les vers, les mouches et les asticots, les plantes vivrières et les champignons. Elle tenta d’imaginer le goût du poisson, du bœuf, des abricots et des bananes… sans grand succès. Les auteurs lui étaient inconnus.

Un jour, elle tomba sur deux livres assez techniques. Elle ne comprit pas beaucoup de chose, elle n’était pas physicienne. Mais sa curiosité était titillée, elle eut l’intuition que ces ouvrages étaient très importants. Elle résolut de les voler et de les montrer à Jedd. Elle n’eut aucune difficulté à revenir chez elle, les précieux livres cachés dans son maigre bagage, dissimulant leur forte odeur de moisi avec des champignons odorants.

Jedd était un de ses amis. Il avait de bonnes connaissances en physique, mais quelque malice des dieux l’avait fait affecter au service de maintenance des machines. Les techniciens n’avaient aucune spécialité, on les classait bien loin derrière les éboueurs, mais ils étaient tout de même considérés comme au-dessus des archivistes. Bien que le garçon fût raisonnablement intelligent, le conditionnement que son esprit avait subi avait amené Jedd à accepter avec un certain fatalisme son sort. Il fallait dire que son travail lui laissait suffisamment de loisir pour avoir d’autres occupations qui ne regardaient personne, et lui permettait de ne pas trop se fouler la main. Il fut donc relativement facile à Flora de rencontrer Jedd et de s’entretenir à loisir avec lui.

Les deux jeunes gens s’isolèrent dans un coin reculé des machines. Flora montra à Jedd les fameux livres techniques. Au fur et à mesure de sa lecture, tout en expliquant le contenu à son amie en termes plus explicites, le technicien commença à s’alarmer. Selon la loi inflexible de l’entropie, toutes les machines s’usaient et se détérioraient, insensiblement peut-être, mais inexorablement. Déjà, depuis deux sièclex, les ordinateurs cessaient de fonctionner un à un, et fort probablement, seule Flora avec sa curiosité insatiable, avait pu voir les statistiques sur le sujet. Le grand problème était que le stock de circuits intégrés avait été épuisé depuis fort longtemps, et les cavernicoles ne savaient pas en construire ; d’ailleurs, d’après l’un des ouvrages, leur fabrication nécessitait une technologie lourde et des connaissances pointues que personne ici ne possédait. Les pannes commençaient à se multiplier, ce que les maires minimisaient en mettant toute leur confiance en les techniciens. Mais ceux-ci ne savaient même pas lire un schéma électronique, quand bien même ils disposeraient des pièces de rechanges nécessaires, ce qui n’était pas le cas.

N’étant pas dénué de sens de l’observation, Jedd se rendit compte que la plupart des boutons et leviers de réglage atteignaient déjà presque la limite de leur graduation. Au train où allaient les choses, le temps n’était plus loin où l’emballement des machines serait au-delà de tout réglage. Les recycleurs d’air, les climatiseurs, les cuiseurs communautaires, tout ce qui maintenait la vie de la population, tomberaient en panne, sans espoir de réparation.

Dans le second ouvrage, Jedd put apprendre beaucoup de choses sur la radioactivité. Il découvrit en particulier que la pollution de la surface de la planète, mentionnée par Flora, ne devrait plus exister depuis trois siècles. D’après un biologiste, la radioactivité n’aurait affecté la terre que sur une dizaine de centimètres, et des plantes l’auraient progressivement neutralisée, en sacrifiant des générations de leurs espèces. La faune aurait été réduite, mais les corrections et les réparations génétiques auraient permis la survie et la multiplication de bien d’espèces. Il y avait donc très longtemps que les humains auraient dû regagner la surface. Mais pourquoi ne l’avaient-ils pas fait ? Il était certain que, malgré la perte de la plupart des scientifiques, des dirigeants devaient connaître au moins une partie de la vérité et l’avoir transmis de mandat à mandat à leurs successeurs.

 

A suivre

 

RAHAЯ

Flora et Jedd connaîtront-ils un jour non seulement les légumes et fruits hydroponiques mais aussi la culture en pleine terre et les arbres, l'herbe et les forêts ? - http://www.futura-sciences.com/magazines/maison/infos/qr/d/jardinage-cultiver-potager-vertical-4814/

Flora et Jedd connaîtront-ils un jour non seulement les légumes et fruits hydroponiques mais aussi la culture en pleine terre et les arbres, l'herbe et les forêts ? - http://www.futura-sciences.com/magazines/maison/infos/qr/d/jardinage-cultiver-potager-vertical-4814/

Tag(s) : #Les nouvelles de Rahar
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