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http://www.3dvf.com/eloelo_10780.html/97159/

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Est-ce que la croyance de Gina Paggon en une malédiction provoquée pourrait être considérée ? Il me faudrait d’abord épuiser toutes les ressources du rationnel, avant d’y accorder quelque crédit. Je vais essayer d’avoir la version de Mortimer Dallor. Celui-ci s’était spécialisé dans la maroquinerie de luxe. Sa société faisait face à des difficultés et il avait essayé d’intéresser Paggon pour le sortir de la panade. De nature violent et vindicatif, il n’avait pas supporté le refus ferme du magnat.

 

Il est sûr que cet irascible énergumène va m’envoyer paître. J’envoie donc Ninie lui faire du charme. Quand elle le veut, elle peut devenir persuasive. Bien entendu, elle va me tarabuster pour l’octroi d’une prime supplémentaire, mais si je peux satisfaire la demande de Gina Paggon, ce ne sera pas un grand problème. Elle est revenue toute sémillante.

— En gros, son récit et celui de la belle dame se recoupent. Mais figure-toi mon cher Lock que l’Oscar a quitté son bureau pendant quelques secondes pour chercher un dossier. C’était peut-être suffisant pour que ce Mortimer ait pu mettre en place quelque sort démoniaque.

— Allons Ninie, calme-toi. Pas de conclusion hâtive. Allons donc voir enfin le lieu du crime… éventuel.

 

Le jour de sa mort, Oscar travaillait chez lui. Il avait laissé sa fille se familiariser avec la future fonction, à l’immeuble de la société. C’était dans son bureau qu’il avait reçu Mortimer. Gina vaquait à ses occupations, allant et venant, entendant des bribes de discussion par la porte restée ouverte. À un moment, Oscar était sorti prendre un dossier dans le coffre, dans le salon. Mortimer était donc resté seul un moment.

 

Avec Ninie, je passe au peigne fin le bureau. Gina, les bras croisés près de la porte, suit avec grand intérêt notre manège. J’ouvre un classeur de bois près du radiateur ; Gina dit simplement qu’Oscar ne supportait pas les classeurs métalliques. C’est un meuble de deux mètres de haut. Mais il a un petit défaut, selon Gina. Il s’inclinait un peu quand on s’asseyait dans le fauteuil du bureau. Tous les visiteurs taquinaient Oscar sur la vétusté du parquet, mais il remettait toujours au lendemain le renouvellement de ce parquet. En regardant le radiateur, je constate une petite lézarde insolite de l’émail, du côté du classeur.

— Eh patron ! Regardez ce que j’ai trouvé derrière la tenture.

— Recule Ninie, ne touche à rien. Contente-toi de prendre une photo.

 

Je sors ma loupe et je m’accroupis. Que fait donc ce calot fendillé ici ? Pas de poussière, donc ce n’est pas une bille que les enfants avaient oublié, étant petits. D’ailleurs, le ménage même épisodique l’aurait fait découvert. Mais je découvre aussi de belles empreintes de pouce et de majeur, partielles mais nettes.

— Madame Paggon, qui était au courant que votre mari avait le cœur fragile ?

— Beaucoup de monde. Essentiellement dans le monde des affaires. Tous ces gens établissent un dossier sur chaque concurrent ou adversaire. C’est ce que m’a expliqué Oscar qui en a dressé lui-même. Pourquoi cette question, monsieur Kwan ?

— C’est que je suis en mesure de vous dire que justice va être faite.

— Alors, vous avez la certitude que Mortimer a jeté un sort à mon mari ?

— Euh… pas exactement, mais vous serez satisfaite.

 

 

Mortimer est un type vraiment astucieux. Acculé à une faillite fort probable, il a fait une dernière tentative pour convaincre Oscar. Dans l’éventualité d’un refus, cet être vindicatif s’était préparé. Il connaissait la faiblesse du cœur de magnat. Il avait aussi remarqué la particularité du classeur, comme tous les autres visiteurs. Il avait également noté la place du radiateur.

 

Il avait exigé le retour de la copie de son projet qu’il savait enfermée dans le coffre du salon. Pendant l’absence d’Oscar, il mit le calot sur le classeur. Il était évidemment en sueur, même s’il savait qu’il avait assez de temps ; il ne se douta donc pas avoir laissé des empreintes nettes. Quand le magnat irait s’asseoir à son fauteuil, le plancher ferait très légèrement s’incliner le classeur. Le calot roulerait de plus en plus vite pour tomber sur le radiateur métallique dans une explosion sèche incongrue, absolument inattendue. Oscar aurait un saisissement tel que son cœur fragile lâcherait sûrement.

— Et voilà mon cher Lock, on peut crier victoria… euh victoire !

— Je dois t’avouer Ninie qu’au début, j’ai été un peu sceptique.

— Mais j’y pense, c’est moi qui ai trouvé la bille ! À propos, combien la jolie dame a casqué ?

 

Fin

RAHAЯ

Tag(s) : #Les nouvelles de Rahar
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