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Portland. Nous sommes en fait dans les années 1950 en compagnie des Debois de Marie Louve, mais voici une jolie vue de Portland en 1890 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Portland

Portland. Nous sommes en fait dans les années 1950 en compagnie des Debois de Marie Louve, mais voici une jolie vue de Portland en 1890 - http://fr.wikipedia.org/wiki/Portland

Enfin les vacances

Une vague de chaleur intense déferlait sur Portland depuis plus de dix jours. Accablé par l’air étouffant de l’usine de fabrication de moteurs à bateau, Urbain Debois suait comme un pauvre diable dans l’eau bénite. L’alarme de dix-sept heures bombarda ses tympans signifiant que sa journée de travail prenait fin. Encore mieux, il tombait en vacances en ce moment même. Il pourra refaire sa toiture de maison qui hébergeait plusieurs générations d’une famille d’écureuils malvenus en sa demeure. Déjà qu’il hébergeait contre sa volonté la vieille chouette, Marie Rouanna, sa belle-mère qui n’avait surtout rien de beau. Les écureuils, c’en était trop !

Sous un soleil de plomb, le pas lourd de fatigue, il se dirigea vers sa station wagon en souhaitant boire une bonne bière froide en rentrant à la maison. Quand il se gara devant sa demeure, interloqué, il vit les pompiers sortir de chez lui. Furieuse, sa femme Pamela,  les cheveux en bataille,  lui cria du haut du balcon : <  C’est encore tes triplets. Ils ont mis le feu au hangar de la voisine italienne. Je t’avais bien dit de ne pas laisser traîner tes allumettes dans la maison. Combien de fois dois-je te le répéter ? Tu dois fumer en cachette… >   

Il n’écoutait plus. Il observait Ti-Pou, leur Border collie accroché à pleines dents au pantalon du chef des pompiers. Il voyait les tresses calcinées, témoins de sa fille Loulou qui tirait avec vigueur sur le collier de Ti-Pou. Elle traîna le chien et un large lambeau de tissu du pantalon jusque dans la cuisine où les deux autres membres du trio coupable dévoraient des tartines de confiture sans oublier de s’en étendre d’une oreille à l’autre.

Pour éviter le regard noir que lui jetait l’officier au pantalon déchiré, il rasa le mur de briques rouges qui longeait la cour intérieur afin d’atteindre la porte arrière du logis. Arrivé sur le paillasson, il lâcha : < Chienne de vie ! >

Marie Rouanna piaffait au téléphone. Roucoulement par ci et roucoulement par là. Un autre interurbain à grands frais sur son compte mensuel. < Alban ! Comment pourrions-nous refuser ta grande générosité ? Bien sûr que Pamela se fera une joie de recevoir pareil cadeau de toi. Une bénédiction pour elle. Tu comprends, ce n’est pas Urbain qui en aurait les moyens. Un pauvre type ! M ‘enfin. Grâce au ciel, notre chère grand-mère n’est plus là pour voir ce mariage miteux. Compte sur moi, on sera chez vous dès demain. Bisous, bisous, mon bon cousin. >

  • Pamela ! Ma fiiiilleee ! Tu as entendu ? C’est mon cousin Alban Di Matshow. Par grande générosité,  nous sommes tous invités à passer nos vacances dans sa grande villa sur Ocean View à Ogunquit. Quel homme admirable. Lui, il a su faire de sa vie une grande réussite. Un homme d’affaire, parvenu en un clin d’œil, à la tête d’une chaîne de Motels bas de gamme, mais payante parce que plus abordable par plus de gens pauvres que de riches. Logique et avisé celui-là. Tu entends Pamela ?
  • Oui, oui maman. Laisse-moi terminer ce rapport d’incendie à compléter avec les pompiers. Je n’ai pas envie que l’italienne nous poursuive en justice pour son vieux hangar, son nid à feu envolé en fumée.>

Après plusieurs heures de négociation, Urbain se soumit à regret aux souhaits du maître de sa demeure : sa belle-mère.  En criant lapin, les deux femmes bouclèrent les valises nécessaires pour tous. Aux aurores, le lendemain, Urbain bougonnait dans sa station wagon. Il entassait des malles à pleine capacité au fond de sa voiture et sur le toit de cette dernière. Pour calmer ses nerfs, il fuma un paquet de Lucky Strike.  

Quand toute la famille eut pris place, il mit la clé dans le contact. Le moteur ronronnait allègrement malgré la lourdeur de l’humidité du matin caniculaire. Au moment d’embrayer la machine, voilà que Marie Rouanna s’écrie : < Stop ! Stop ! J’ai oublié mon chapeau de paille et mes tapes-tapes de plage. >

Urbain mangea son frein. À son retour, hargneuse, elle le sermonne : < Ben quoi ? C’est quoi cette gueule ? Tu pourrais au moins me dire merci. Ces vacances à Ogunquit, tu en profites grâce à moi. Quel ingrat. Pauvre Pamela ! Je l’avais mise en garde, mais jeunesse et sagesse riment aux antipodes. Allez, on ne va pas y passer la journée. > - < Ne l’écoute pas Urbain. Maman est nerveuse. Elle ne pense pas ce qu’elle dit. >

Rock, Pierre et Loulou se bagarraient pour avoir la même place au bord d’une fenêtre. Pamela surveillait à ses côtés, la benjamine, Mylène qui paraissait fiévreuse. Ti-Pou bavait tout son saoul tant il était excité. Il poussa l’audace d’envoyer un large coup de langue sur le maquillage poudreux de Marie Rouanna qui lui dégocha une baffe sur le museau. Au beau milieu du trajet, la petite Mylène Debois vomissait à qui mieux-mieux dans les bras de sa mère. Urbain alluma un gros Cohiba cubain pour masquer l’odeur nauséabonde. Et voilà que la capitaine se met à lui reprocher d’empester la station wagon en plus d’enseigner le mauvais exemple à ses enfants. En chœur, les triplets ne cessent de demander : < C’est quand qu’on arrive ? > - < Ah mais ce sont des ânes ces enfants ! On ne dit pas c’est quand qu’on. C’est con. On dit, quand arriverons-nous ? Pamela, il faut leur apprendre à tes enfants. Je l’ai bien fait pour toi. Mais bon, ce sont tes affaires hein ? > La pauvre mère en avait plein les bras. Elle ne savait plus où donner de la tête.

Pour enterrer le bavardage de sa belle-mère, Urbain enfonça le bouton du son de la radio à fond la caisse. Les Beach Boys remplissaient l’espace avec Surf’ USA.

Aux abords d’Ogunquit, Loulou beugla, <  C’est ici. C’est marqué sur le panneau, 1 Km! >

  • Urbain ! Ne rate pas la sortie. La villa de mon cousin Alban Di Matshow,  c’est la grosse maison jaune moutarde juste à côté du chic hôtel Anchorage By The Sea. Tu la vois là-haut sur la bute ?
Gran Cairo, Frank Stella - wikiart.com

Gran Cairo, Frank Stella - wikiart.com

Son gendre marmonna entre ses dents serrées :

Alban les attendait avec un sourire plus blanc que le bonnet de la poudre nettoyante Old Duch. Son dentiste devait faire une pub plus blanc que blanc avec sa dentition. Le riche cousin agitait sa casquette de marin du dimanche en pointant l’emplacement réservé à la station wagon. Cachée derrière les haies de cèdres. Urbain y vit une bonne occasion de mettre à l’abri du soleil son engin. Pour Alban, il cachait à la vue de ses voisins, ce tas de ferraille du temps des Charlots.

Ti-Pou prit la poudre d’escampette pour aller soulager son intestin dans la plate-bande de fleurs aménagées par des soins professionnels. En bon chien, il ne ménagea pas ses efforts de remuer la terre et les racines pour créer l’illusion qu’il cachait ses débris alimentaires. Alban ne vit rien. Marie Rouanna l’étreignait jusqu’à l’étouffement.

Les présentations vivement faites, le propriétaire des lieux les invita à rentrer les bagages et à distribuer les chambres pour chacun des invités. * Il ne manqua pas de faire voir dans son vaste salon, son tableau acheté à prix d’or, la fameuse toile Gran Cairo peinte par le formaliste Frank Stella. Il fit remarquer la couleur de ses rideaux qui formait une harmonie parfaite avec le tableau. *

 

Marie Rouanna s’enflamma devant tant d’opulence. Elle ne tarissait pas d’éloges tant et si bien que le cousin détourna son attention pour les conduire dans les chambres. Rock et Pierre dormiront dans la chambre de leur arrière-grand-mère et dans son grand lit à baldaquin. Loulou et sa petite sœur dormiront dans la chambre de la servante en vacances chez son ami l’hôtelier voisin qui en avait besoin en période de haute saison. Pamela et sa mère partageront la chambre des invités et Urbain dormira sur le Futon du sous-sol.

Ce fut une magnifique journée. La plage et ses jeux d’eau comblèrent l’hyperactivité des enfants. Ti-Pou s’ébrouait à souhait toujours autour de belle-maman qui finit par perdre patience en lui lançant ses tongs de plage à la tête. Ti-Pou n’en fit qu’une bouchée et il s’enfuit avec ses nouveaux jouets.

Après le souper du soir, autant de grands moments nouveaux avaient épuisé les enfants. Une douche et vite fait au dodo. Mais quelques instants plus tard, venu de la chambre de l’arrière-grand-mère, un bruit fracassant alerta tous les adultes qui s’y précipitèrent. Le grand lit a baldaquin effondré et sous le plumard, les deux mioches du trio pleuraient comme des Madeleine. En hoquetant, Pierre le suiveux, raconta ainsi, < On voulait zuste zouer à la trampoline et le ciel du lit nous est tombé dur la tête. Ze veux mon lit à moi… > Rock finit par sortir de la plume en affichant son énorme prune au front.

Le calme revint. On trinqua au plaisir de ce beau début de vacances avec un Château Neuf Du Pape. On bailla et chacun retrouva sa chambre.

Bien après minuit, Ti-Pou découvrit enfin la cachette du chat Siamois de l’oncle Alban. À grands coups de griffes, il vint à bout du coussin de cuir importé du Maroc. Le chat cracha, feula et bondit au sommet des rideaux de soie importés de Chine.

A suivre

Marie Louve

http://moserm.free.fr/moulinsart/chroniques30.html

http://moserm.free.fr/moulinsart/chroniques30.html

Tag(s) : #Fantaisie et sérieux chez Marie-Louve, #Jeux
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