Un de mes livres de chevet m'a offert deux beaux textes pour le thème proposé par mère-grand Eglantine-Lilas et le premier jeudi en poésie sous le commandement de Dômi : c'est "Essences et parfums, une anthologie poétique" par Anny Duperey (format de poche, Collection Points). Je n'avais que l'embarras du choix, j'ai choisi des parfums d'abord, une ... odeur ensuite, le tout en prose poétique. Un bonheur de saisir ce genre d'anthologie quand on est dans son lit et qu'on veut rêver un peu !
Lenaïg
Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l’odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme altéré dans l’eau d’une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des souvenirs dans l’air.
Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j’entends dans tes cheveux ! Mon âme voyage sur le parfum comme l’âme des autres hommes sur la musique.
Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures ; ils contiennent de grandes mers dont les moussons me portent vers de charmants climats, où l’espace est plus bleu et plus profond, où l’atmosphère est parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine.
Dans l’océan de ta chevelure, j’entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques, d’hommes vigoureux de toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l’éternelle chaleur.
Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs des longues heures passées sur un divan, dans la chambre d’un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port, entre les pots de fleurs et les gargoulettes rafraîchissantes.
Dans l’ardent foyer de ta chevelure, je respire l’odeur du tabac mêlé à l’opium et au sucre ; dans la nuit de ta chevelure, je vois resplendir l’infini de l’azur tropical ; sur les rivages duvetés de ta chevelure je m’enivre des odeurs combinées du goudron, du musc et de l’huile de coco.
Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il me semble que je mange des souvenirs.
Charles Baudelaire
Un hémisphère dans une chevelure
Le Spleen de Paris
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http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/p-14997-Decouverte-d-un-temple-antique-sous-le-couvent-des-Jacobins-a-Rennes.htm
Ne t'étonne pas, Rufus, qu'aucune femme ne veuille étendre sous ton corps sa cuisse délicate, même si tu l'ébranlais en lui offrant une étoffe rare ou une pierre précieuse de la plus précieuse transparence. Ce qui te fait tort c'est certain mauvais bruit qui prétend qu'au creux de tes aisselles loge un bouc redoutable. Tout le monde en a peur. Rien là d'étonnant : c'est une très mauvaise bête, avec laquelle aucune jolie femme ne voudrait coucher. Ainsi détruis ce cruel fléau des narines ou cesse de t'étonner que tu mettes les gens en fuite.
Catulle
Poète romain
87 - 54 avant JC
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