Oh la la, je veux être présente à ce défi, de notre capitaine de quinzaine mère-grand, pour la communauté des Croqueurs, maintenant réunis sous le chapô du commandant Dômi ! Mais, si j'ai pensé à La Joconde depuis que je connais le thème du défi, si j'ai un peu imaginé des bribes de dialogue lorsque je marchais dans la rue, lorsque j'étais assise dans le métro, je n'ai encore rien écrit. Alors, les rêveries plaisantes mais vagues auxquelles je me suis livrée font place maintenant à l'intraitable réalité : une page à remplir !
Je reprends un extrait de l'énoncé d'Eglantine Lilas : c’est la fin de journée et fatigué (e) vous vous asseyez un moment sur un banc, devant le tableau de la Joconde qui vous interpelle... Ah ben, fatiguée je le suis, écrire, écrire c'est bien joli mais c'est du travail quand même et il y a des périodes où on se dit qu'on en fait trop, même si c'est du plaisir et il y a des fins de journée où l'envie soit de terminer le Dali de Gilles Néret (la conquête de l'irrationnel), nouvellement acquis, soit de reprendre La Vérité sur l'Affaire Harry Québert, de Joël Dicker, enfin sorti en livre de poche et acheté dans un Relais H du métro, oui cette envie se fait très très forte et plus forte même que ... l'écriture ... Bon, pour moi, ce sera Madame Joconda et puis voilà. Et moi je n'ai pas eu la chance de dormir à côté d'elle, comme la romancière Frédérique Hébrard, dans les temps troublés du nazisme, où les oeuvres d'art s'évadaient en douce ... Mais abordons donc ce dialogue entre Mona Lisa et moi.
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- Gente dame, vous piquez du nez ! Secouez-vous un peu, vous n'êtes pas sur votre sofa ! Faut-il que vous soyez bien fatiguée pour vous endormir sur ce banc, sans accoudoir ni dossier !
- Oups, aheum !
- Non non, ce n'est pas la jeune étudiante asiatique assise à l'autre bout du banc qui vous parle, elle, elle m'a à peine regardée, elle est absorbée par la manipulation d'un de ces petits engins modernes lumineux dont les gens n'ont plus l'air de pouvoir se passer ! C'est moi, Mona Lisa, qui m'adresse à vous, de mon tableau !
- Ah ben voyons ! Je ne vous crois pas, ce serait ... trop beau ! C'est un tour du sieur Léonard de donner l'impression à ceux qui vous contemplent que vous les fixez et que vos yeux suivent même leurs déplacements mais là vous ne m'aurez pas ! Je fais tout bêtement un rêve à moitié éveillé, ou à moitié endormi, je ne sais !
- Ne continuez pas sur ce ton, vous risquez de me fâcher, moi qui suis pour l'heure de fort belle humeur ! D'abord, daignez m'accorder votre crédibilité, ensuite évoquez Leonardo avec le respect qui lui est dû ! Ce n'est pas donné à tout le monde de converser avec moi, je vous ai choisie, sachez en être reconnaissante !
- Bien bien, Madame Joconda, ne vous vexez pas. Laissez-moi quelques secondes pour mesurer l'honneur qui m'est fait. Avez-vous un message à me transmettre ?
- Non, rien de particulier, je m'ennuyais un brin dans mon coin ! Vous venez de souligner un aspect de moi qui paraît une facétie du maître de m'avoir dotée d'un regard si vivant que ceux qui me regardent se croient eux-mêmes regardés. Eh bien, vous bénéficiez maintenant du privilège d'appréhender vous-même une autre facette du grand secret : je parle pour qui a l'oreille qui sait écouter !
- J'en frissonne, madame, de surprise émerveillée mêlée de crainte, parce que ma raison me crie que je suis en train de la perdre ! Dites, Madame Joconda, puisque je vous ai de vive voix, enfin de vive pensée ou je ne sais quoi, avant que le signal de la fermeture ne se fasse entendre, expliquez-moi un peu quel est cet étrange paysage qu'on aperçoit derrière vous ?
- Ah, c'est par là que vous commencez ? Pourquoi pas, en effet ... Mais j'aurais cru que vous m'interrogeriez d'abord sur moi-même. Avant de vous répondre, une question à mon tour : pensez-vous que je sois vraiment Lisa Maria Gherardini, dite Mona Lisa ?
- Madame Joconda, au départ oui, quand Léonard de Vinci a produit ses esquisses et jeté ses premiers coups de pinceaux sur sa toile mais comme il a pris largement son temps pour terminer le tableau, que le mari de la dame l'a refusé ensuite, étant donné aussi tout ce que j'ai pu lire à ce sujet, je suis convaincue que vous êtes quelqu'un d'autre, voire plusieurs personnes à la fois !
- Brrravo, brrravo, comme se serait écriée en italien la jeune dame à l'origine de mon apparition sur cette toile ! Mon intuition ne m'a pas trompée quand j'ai décidé de vous tirer du sommeil qui vous gagnait ! Si vous m'aviez simplement prise pour elle, je ne vous aurais pas détrompée. Mais si Léonard le grand savant et visionnaire a gardé précieusement son tableau et l'a emporté dans tous ses déplacements et séjours en Europe, c'est parce qu'il recèle un appareil à communiquer ! La preuve ? Nous conversons ! Pour en revenir à ce paysage, étonnant, troublant, que certains (pour se rassurer ?) ont rapproché de la région du Montefeltro, il n'est pas terrestre, douce et nouvelle amie ! Il a bien changé depuis que Léonardo l'a ainsi représenté. Léonardo de son côté est mort, paix à son âme (oui, nous croyons en l'âme et nous concevons Dieu, comme les humains parce que, s'il existe, il est le créateur de TOUTE vie !) et ce sont mes ancêtres qui m'ont transmis le secret de sa visite et de son appareil, secret qui doit être préservé.
- Oh, que de révélations d'un seul coup, Madame Joconda ! Zut, voici qu'on nous prie de vouloir gagner la sortie. Alors, je suis ravie de vous avoir rencontrée, qui que vous soyez, je garderai le secret et vous me ferez rêver !
- Mais tout le plaisir fut pour moi ! Et peut-être à une autre fois !
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Lenaïg