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SUBSTITUTION - (2/2) - RAHAR

Nadège était une brave femme à la nature compatissante. Elle voyait bien l’état de déchéance de ce beau Bernard qui s’occupait sans relâche, et avec un courage admirable, de sa pauvre femme.

– Monsieur Bernard, je vois bien que vous dépérissez. Entendons-nous bien, j’admire votre abnégation. Mais vous ne pourrez pas être efficient, si vous aussi vous tombez malade. Vous devriez penser un peu à vous.

– C’est peut-être vrai, Nadège. Mais que puis-je faire ?

– J’avais pensé que vous pourriez peut-être faire une petite sortie au restaurant… et pourquoi pas en boîte.

– Je deviendrais encore plus déprimé : je n’ai pas d’ami ici, j’ai laissé tous les miens à Clarville.

– Eh bien, euh… Je pourrais vous tenir compagnie. Moi aussi j’ai besoin de décompresser, feu mon mari a laissé un grand vide.

– Vous feriez ça ? Eh bien, d’accord, c’est une excellente suggestion.

Bernard s’était un peu détendu, il avait bien besoin d’oublier l’espace de quelques heures ses préoccupations. Nadège était d’excellente compagnie, vive, enjouée, elle lui rappelait un peu Yvette, mais en plus humaine, sans l’influence artificielle de la fortune.

De temps en temps, ils remirent ça. Malgré ses soucis, l’instinct de coureur de Bernard se réveilla. Nadège était indéniablement belle, d’une autre manière qu’Yvette. Nadège, obnubilée tout ce temps par la mémoire de son mari, avait un sérieux retard d’affection. L’issue était prévisible : ils finirent par se retrouver dans le studio de Nadège.

Mais cette liaison ne supprimait pas le problème de Bernard, même s’il n’y pensait plus de manière aiguë. Il cherchait encore comment s’en sortir. Il envisagea même de s’enfuir au loin et de changer de nom. Ce faisant, il renoncerait à la fortune d’Yvette. Toutefois, il pourrait refaire sa vie, il ne lui était pas difficile de trouver du boulot qui lui permît de vivre décemment.

– Comment va ta femme ?

– Le médecin est passé hier soir, il a dit qu’il n’y a plus d’espoir et qu’Yvette s’éteint peu à peu. C’est gentil à toi de demander de ses nouvelles.

– Bernard… Je… Je n’aurais pas cru cela encore possible, je crois que je suis amoureuse de toi. Je c’est que c’est indécent et inapproprié en ce moment…

– Non, non Nadège, moi aussi je suis amoureux de toi. Mais il faut attendre un peu après le décès d’Yvette pour faire des projets.

Bernard eut une illumination. Il avait trouvé sa solution. La maladie aurait officiellement emporté Yvette. Le cercueil ne serait pas ouvert : Bernard voulait que l’on se rappelât l’aspect de sa femme de son vivant, la maladie l’avait trop défigurée. Nadège était une femme charmante, séduisante même, et elle aurait fait une excellente compagne. Mais Bernard devait se dépatouiller de l’épineuse situation où il s’était mis, son sacrifice en était la clef. C’était avec un regret sincère qu’il élabora un plan pour la tuer, l’habiller de la nuisette d’Yvette, appeler un médecin véreux pour l’acte de décès et prévenir les parents et amis. La fortune d’Yvette lui reviendrait finalement.

Bernard descendait en portant le plat « vide » d’Yvette. Comme d’habitude, il avait mangé le léger repas, assis dans la chambre vide. Nadège l’attendait au pied de l’escalier.

– Comment Yvette a-t-elle trouvé son repas ? Je vois qu’elle l’a tout de même fini.

– Oui, je l’ai un peu forcée, mais elle a fini par y trouver goût… La pauvre, elle ne se doute pas qu’il lui reste peu de temps.

– Tu ne crois pas si bien dire mon amour, j’ai soulagé ses souffrances, j’ai mis un poison dégradable dans son repas…

– Quoi ? Espèce d’imbécile tarée ! Brillante initiative !

Déjà, Bernard avait de la difficulté à respirer. Il avança les mains pour étrangler la pauvre Nadège, mais ses bras devinrent lourds. Il s’effondra sans grâce aux pieds de la femme de ménage effarée.

Fin

RAHAR

SUBSTITUTION - (2/2) - RAHAR
Tag(s) : #Les nouvelles de Rahar
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